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Des finances trop saines

Cédric Cossy
La Nation n° 1923 9 septembre 2011
Les finances de l’Etat de Vaud vont bien, merci. Durant les cinq exercices 2006 à 2010, il a été possible de réduire la dette de 5,1 milliards (contre 3,9 prévus dans les budgets), de procéder à des amortissements extraordinaires pour environ 1,8 milliards et de créer des réserves. On l’a récemment appris, celles-ci sont même surdimensionnées, puisque le Conseil d’Etat a dû trouver d’urgence une utilisation au demi-milliard d’excédents du fonds réservé à la péréquation intercantonale (RPT). Malgré cette politique de fourmi, les excédents de revenus cumulés ont atteint 1,56 milliard, un résultat presque indécent comparé aux chiches équilibres précautionneusement annoncés dans chaque budget. L’exercice 2011 ne dépareillera pas la série puisque, selon notre suave ministre des finances, «les dernières projections […] laissent entrevoir un résultat supérieur aux prévisions»1.

Cette santé éclatante surprend si l’on considère l’augmentation de 14,6% des dépenses de fonctionnement sur la même période. Les bons résultats vaudois s’expliquent en fait par la croissance surproportionnelle des rentrées, notamment fiscales. En cinq ans, ces dernières ont enflé de 1,2 milliard (+ 31%)!

Un autre facteur ayant favorisé les chiffres noirs est la difficulté du Canton à concrétiser les investissements prévus. Sur les 1,22 milliard des budgets cumulés du dernier quinquennat, seuls les trois quarts ont été effectivement dépensés. Pour l’année 2010, 304 millions ont tout de même été investis, record absolu des dix derniers exercices.

* * *

Le premier commentaire que suscitent ces chiffres est que, contrairement aux affirmations du Gouvernement vaudois, l’Etat ne maîtrise pas la croissance de ses charges d’exploitation. Leur augmentation de près de 15% ne se laisse justifier ni par l’augmentation du coût de la vie (+4,2% durant la même période), ni par celle de la population résidente (+8,8%; où sont les économies d’échelle?), ni même par la combinaison de ces deux facteurs. Ceci est préoccupant: le quinquennat passé était une période de bonne conjoncture, comme le prouvent les rentrées fiscales. Que va-t-il advenir des dépenses de fonctionnement si la situation économique se dégrade, entraînant une hausse des charges sociales?

Deuxièmement, il faut s’interroger sur la capacité du Canton à investir dans son infrastructure. A l’exception de 2010, les investissements n’ont jamais atteint les plafonds budgétisés; au cours de ce dernier lustre, les projets d’infrastructure ont au mieux représenté la moitié des investissements de l’Etat. La modestie de ces engagements est sans mesure avec l’annonce faite au début de cet été d’un Canton qui caresse l’ambition d’héberger bientôt un million d’habitants.

La capacité de développement avérée nous semble insuffisante pour deux raisons. Nous soupçonnons d’abord le Service du développement territorial (rattaché au Département de l’économie) et les Services des routes et de la mobilité (rattachés au Département des infrastructures) de ne pas avoir d’objectifs arrêtés et concertés sur la nature et la localisation des infrastructures nécessaires: ces services se contentent généralement de passer les projets de développement communaux ou régionaux qui leur sont soumis par les tamis de normes d’aménagement ou autres conceptions générales, établies hors sol. Dans ce sens, ces services freinent plus qu’ils ne suscitent de projets de développement. Nous pensons ensuite que, après près dix ans quasiment sans réalisation d’envergure, les compétences et les ressources pour planifier et réaliser un nombre soudain double ou triple de projets d’infrastructure ne sont pas disponibles dans le Canton2. Cela prendra du temps pour les reconstituer.

Ce constat fait dès lors douter de l’utilité d’allouer 325 millions de l’excédent de la réserve destinée à la RPT pour financer des projets d’infrastructure et de mobilité. Cette manne permettra certes d’accélérer quelques projets techniquement et politiquement mûrs, notamment le tram ouest-lausannois. Mais nous sommes prêts à parier qu’une partie significative de ce montant restera en caisse, faute de projets aboutis ou de bras pour les réaliser. Faudra-t-il alors créer une nouvelle réserve pour disposer de ces fonds plus tard? Cette nouvelle poire pour la soif risque d’attiser d’autres gourmandises, génératrices de coûts d’exploitation durables pour l’Etat.

Des chiffres ci-dessus, constat doit finalement être fait d’une fiscalité excessive, générant des liquidités difficilement utilisables à court terme: en l’espace d’un lustre, les contribuables vaudois, certes aidés par la conjoncture, ont épongé le gros des dettes du Canton, amorti nombre d’immobilisations douteuses et constitué des réserves parfois surdimensionnées. En attendant le développement des projets d’infrastructure nécessaires au Canton, un relâchement de la pression fiscale serait un signe de remerciement apprécié des Vaudois et aiderait en sus à relancer la consommation.

 

NOTES:

1 Conférence de presse du 19.08.2011 du Gouvernement sur l’allocation du demi-millard de réserves excédentaires de la RPT.

2 Citons pour exemple la construction de la route H144 entre Rennaz et les Evouettes: chantier la plupart du temps désert, adjugé à des entreprises sises hors du Canton, ouvrages d’art en attente depuis des mois.

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