Changer le vin en eau, pauvre miracle
Le GREA, Groupement romand d’étude des addictions, est un lobby local militant pour la dépénalisation et la distribution contrôlée du cannabis. Pas trop contrôlée tout de même: au printemps dernier, ce sulfureux groupement avait publié un communiqué qui nous avait fait sourire par ses envolées lyriques contre la centralisation fédérale: « La Confédération a produit un catalogue de règles et de contraintes d’un volume impressionnant. Le Conseil fédéral semble vouloir tout contrôler depuis Berne, sans laisser les autorités locales gérer leurs affaires […].» Derrière cette prose pseudo-libérale, voire pseudo-fédéraliste, les activistes de cette «association citoyenne de référence» se réjouissaient que les villes suisses puissent désormais mener des «essais-pilotes» de distribution de cannabis, mais se hérissaient à l’idée que la Confédération puisse y mettre des conditions.
Si le GREA se montre ultra-libéral en matière de drogues, il l’est beaucoup moins, voire absolument pas du tout, lorsqu’il est question d’alcool. (Ce n’est pas parce qu’on est ultra-libéral qu’on aime la concurrence, n’est-ce pas!) Du haut de leur minaret intellectuel, les hyperactifs militants du chanvre appellent donc régulièrement à la prohibition des produits traditionnels de nos terroirs et des habitudes de consommation qui ont été les nôtres depuis des siècles. Au début du mois de décembre, ils ont pieusement annoncé la 2e édition romande du Dry January. (Ce n’est pas parce qu’on fume des pétards qu’on aime la langue française, n’est-ce pas!)
La mode d’un mois de janvier «à sec» provient, comme celle d’Halloween, du monde anglo-saxon. Comme celle d’Halloween, elle se répand facilement chez les consommateurs désenchantés, qui trouvent ça cool et nouveau. Ceux qui avaient déjà l’habitude de ralentir leur consommation après les excès des fêtes sont désormais fiers de pouvoir mettre un label anglophone sur leur repentance. On trouve même des vignerons qui tentent de surfer sur cette nouvelle tendance, dans l’espoir, peut-être, de se donner une image innovante et de récupérer un supplément de clientèle assoiffée en février.
Nous allons donc devoir nous habituer à célébrer, chaque début d’année, le Dry January, avec le soutien actif de l’Office fédéral de la santé publique (Plus de vaccin, moins de vin! – tel serait le slogan si les communicants de l’OFSP n’étaient pas tous alémaniques). Pour le moment, nous n’en sommes encore qu’au début du processus: il n’y aura pas ce mois-ci d’interdictions formelles, de descentes de police dans les caves et de contrôles éthylométriques à domicile. Pour le moment, il ne s’agit que d’«une opportunité (sic) de réfléchir au rapport de chacune et chacun à l’alcool et de questionner sa propre consommation». Mais la prohibition viendra peut-être plus vite qu’on ne le croit. Alors profitez: questionnez votre consommation, répondez par un chiffre respectable, et à votre santé!
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Polyphonie fédéraliste – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Occident express 96 – David Laufer
- L’école vaudoise en mutation permanente – David Verdan
- Josquin 2021 – Jean-Blaise Rochat
- Sauver la presse de ses propres travers – Lionel Hort
- Architecture du Canton de Vaud, 1975-2000 – Yves Gerhard
- Camarades de gauche, merci – Jacques Perrin
- La pauvreté dans le Canton – Jean-François Cavin