Pour les 75 ans du Chœur Pro Arte, un ouvrage d’Antonin Scherrer

Les dimanches festifs de ces derniers temps se succèdent: le concert mémorable de Mézières il y a trois semaines (voir dans La Nation 2230 du 30 juin l’article de J.-F. Cavin), la fête du Pro Arte il y a quinze jours, enfin celle de Crêt-Bérard dimanche dernier, qui fêtait aussi les 75 ans de l’appel du 2 mai 1948 et les 70 ans de la consécration de la Maison. C’est l’occasion de rappeler l’ouvrage de Nicolas Gex sur Crêt-Bérard, L’aventure d’une maison inspirée (Cabédita, 2020), qui retrace précisément ses étapes en «septante regards», et ici même de saluer le livre d’Antonin Scherrer, 1947-2022: Une folle aventure enchantée (Infolio, 2023), qui décrit à son tour la naissance, l’évolution et la situation actuelle du Chœur Pro Arte, appelé à ses débuts et jusqu’au 1^er octobre 1965 (telle est la date exacte) Chœur des Jeunes de l’Eglise nationale vaudoise. Les deux institutions qui nous tiennent à cœur ont germé quasi simultanément dans l’esprit fertile du pasteur Albert Girardet, qui les a portées l’une et l’autre durant de longues années.

L’ouvrage d’Antonin Scherrer se fonde sur l’examen précis des archives du chœur, mais aussi sur de nombreux témoignages et souvenirs, au premier rang desquels je mentionnerais ceux du pasteur Jean-Pierre Tuscher, qui s’est occupé de l’administration et des finances du chœur de 1951 à 1967, et ceux de Daisy Charlet, toujours fidèle lectrice de ce journal comme l’a été son mari. Raymond Bron, la cheville ouvrière du volume, reste choriste depuis des décennies et a été président de 1981 à 1990. Sa mémoire et son énergie ont permis de disposer d’un livre parfaitement documenté, d’une richesse extraordinaire, rempli de témoignages émouvants.

Le Chœur des Jeunes s’est d’abord fait connaître par sa contribution musicale lors des cultes dominicaux, dans diverses paroisses du Canton, sous la direction d’un jeune instituteur, André Charlet. Le musicien devenu célèbre a dirigé son ensemble jusqu’en l’an 2000. Pascal Mayer lui a succédé: la phalange n’a connu que deux chefs titulaires en 75 ans! Les premiers succès lors de concerts ont eu lieu le dimanche après-midi, dans les lieux où il avait chanté au culte du matin, puis dès 1952 dans des œuvres plus importantes avec l’Orchestre de Chambre de Lausanne. Dès 1956, c’est Ernest Ansermet qui engage régulièrement «les chœurs Charlet» (aussi la Chorale du Brassus, le Chœur de la Radio Suisse Romande et le Chœur d’enfants du Collège de Villamont – établissement où André Charlet enseignait la musique). Ils permettent une «géométrie variable» dans les effectifs, et c’est une Neuvième de Beethoven qui assure définitivement, par des critiques extrêmement élogieuses, le succès du chœur. Jusqu’au dernier concert qu’Ansermet a dirigé, en décembre 1968, l’OSR a engagé les ensembles lausannois, et ses successeurs ont fait de même: les souvenirs des grands concerts dirigés par Wolfgang Sawallisch et par Armin Jordan sont toujours vivaces, comme ceux dirigés par Jesus Lopez Cobos à la tête de l’OCL.

C’est également le Pro Arte qui a inauguré les Schubertiades, dès la première à Champvent en 1978, et Charlet a encore dirigé la Messe allemande à celle de Porrentruy en 2011, en faisant chanter, selon la tradition qu’il avait instaurée, tout le public présent.

L’ouvrage retrace aussi les tournées, à Paris, au Festival de Pâques à Lourdes, aux Etats-Unis, en Chine, en Russie, avec des récits hauts en couleurs; et les trois dernières Fêtes des Vignerons, Tant chante-t-on Noël, et bien d’autres moments d’émotion musicale.

Pour couronner son 75^e anniversaire, le Chœur Pro Arte a chanté trois œuvres de compositeurs vivants: la Bruder Klaus Messe de Carl Rütti, Soleil de Joséphine Maillefer, une commande pour la Schubertiade de Fribourg l’an dernier, et tout récemment, Natures de Valentin Villard, avec des paroles de Stéphane Blok et des textes de Blaise Hoffmann.

Longue vie au Chœur Pro Arte! Bonne lecture du livre passionnant d’Antonin Scherrer!