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Protectionnisme et écologie

Benjamin Ansermet
La Nation n° 2245 26 janvier 2024

Les réflexions écologiques touchent régulièrement aux enjeux économiques, comme la production ou la consommation. Le protectionnisme ne trouve en revanche pas beaucoup de place dans celles-ci. Trop national peut-être.

Pourtant, un certain nombre de mesures de protection non-tarifaires, qui forment une bonne part des retours actuels du protectionnisme, sont défendues au nom de la défense de l’environnement1.

A l’inverse, les théoriciens du libre-échange défendaient ce dernier en partie parce qu’il permettait d’augmenter la production mondiale (et de faire baisser les prix, favorisant entre autres la consommation, ce qui peut faire le lit du consumérisme). Pas vraiment un modèle d’écologie.

Les échanges commerciaux impliquent toujours la pollution due au transport sur une longue distance – un porte-conteneur sera difficilement vert. La longueur des trajets impose aussi souvent de cueillir les fruits et légumes trop tôt pour les faire mûrir durant le transport. Le libre-échange facilite également le fait de ne pas suivre les saisons (sans parler, au passage, de l’uniformisation de la consommation à travers le globe, qui dépasse la question écologique).

Au contraire, le protectionnisme rapproche le consommateur et le producteur. Il supprime les trop longs trajets et encourage une production plus locale. On peut logiquement attendre, dans ce cadre, qu’il soit également plus difficile de dissimuler les mauvaises conditions de production. Si l’on peut ignorer, ou oublier, les mauvaises pratiques pour les sols d’un autre continent, il est plus difficile de fermer les yeux quand cela détruit le champ d’à côté ou les paysages de nos vies.

Il est aussi plus facile de surveiller le respect des normes sur notre sol que dans le territoire d’un autre Etat, fort lointain. Produire ici permet également de fixer nos propres règles, sans devoir atteindre le plus petit dénominateur commun entre les réglementations de nombreux pays. Enfin, la traçabilité d’un produit est plus aisée s’il ne traverse pas le globe.

Ainsi, le protectionnisme mériterait sans doute de trouver davantage de place dans les réflexions tournant autour des mesures écologiques dans l’économie.

Notes:

1   Voir la dernière partie de Jacques Sapir, Le protectionnisme, Paris, PUF, coll. Que-sais-je, 2022, 126 p., présenté dans La Nation n°2223 du 24 mars 2023.

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