Le comptage des manifestants

Le Canard enchaîné n’est pas particulièrement marqué à droite. Les extraits de l’article «Histoire de comptes», paru dans le numéro 4695 du 20 octobre dernier, n’en sont que plus intéressants.

[…] Additionner les chiffres de la police et ceux des organisateurs puis diviser par deux… Durant des décennies, la France des manifs a tourné selon cette étonnante formule arithmétique. Avec de petites variations régionales: plus les manifestations se tiennent dans le Sud, plus les compteurs s’affolent: quand les écarts vont de un à quatre ou de un à six dans la capitale, ils atteignent fréquemment un à dix, voire un à douze à Bordeaux ou à Marseille.

Et puis, patatras! pour en avoir le coeur net, plusieurs médias ont décidé, ces derniers jours, de dégainer à leur tour les calculettes ou de faire appel à des sociétés spécialisées. Verdict (contestable lui aussi): tous ont trouvé des chiffres légèrement inférieurs à ceux de la police. Le site «Mediapart» a ainsi dénombré 76 000 manifestants à Paris le 12 octobre et «France-Soir» en a compté 80 000 quand la police en trouvait 89 000 et les syndicats 330 000. A Marseille, la télé locale a annoncé 18 000 participants le même jour, contre 24 000 pour la police et 230 000 côté syndicats.

Un reportage du «Petit Journal» de Canal Plus (13/10) a montré un truculent expert en comptage de FO-Marseille en pleine action. Et que je te compte un paquet de 100 manifestants quand dix personnes passent devant la caméra! Et que je t’invente des trottoirs pleins de participants! Et quand son homologue de la CGT lui annonce à mi-voix un premier total de «400», le militant de FO se tourne vers le journaliste et lance sans ciller: «Il a dit 1000!».

[…] L’inflation des chiffres est une drogue dure dont il est très difficile de décrocher. Comme les estimations sont toujours comparées à celles des manifestations précédentes, aucun syndicaliste n’ose annoncer des chiffres plus proches de la réalité mais en baisse vertigineuse par rapport au passé. […]