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Les années septante vues par Vialatte

Alexandre Vialatte
La Nation n° 1943 15 juin 2012

[…] J’observe que les rois, les magnats et les milliardaires envoient leurs fils (et à prix d’or!) dans des écoles extrêmement dures où on les fait lever à l’aube pour commencer une journée pénible par un petit crawl dans l’eau glacée.

Ils n’en gardent qu’un bon souvenir puisqu’ils y envoient leurs enfants à leur tour. Je remarque que les élites ont toujours eu des éducations dures qui s’attachaient aux vertus viriles en premier lieu: disons les Spartiates, les Samouraï. Je me rappelle qu’Anatole France, indiscutable pacifiste, a écrit: «Supprimez les vertus militaires, toute la société civile s’écroule.» Et Nietzsche allait jusqu’à voir dans l’armée la forme la plus haute de la civilisation, parce qu’on y pénalise la faute et n’y récompense pas celui qui fait son métier, le métier bien fait étant la règle dans une société qui va bien. […] Pourquoi ce qui est bon pour les milliardaires ne serait-il pas bon pour les autres? Pourquoi traiter le peuple au rabais? Où est là-dedans la démocratie? «Ce qu’il y a de meilleur est assez bon pour moi», disait Churchill.

C’est également assez bon pour tous, dans un pays démocratique. Pourquoi refuser au peuple une éducation de roi? C’est ce que demandait, en 1789, le cahier de doléances des habitants de Caillan, un petit village du Languedoc où Paulhan avait des parents. Ils voulaient tous être anoblis. «Mais la Révolution n’a pas suivi Caillan. Elle s’est contentée de désennoblir les nobles. – Est-ce que cela ne revenait pas au même? demande alors Mallet à Paulhan. – Ah, mais non! Mais non, pas du tout. Est-ce qu’il revient au même de mettre en liberté tous les prisonniers d’un village, ou de mettre tous les autres en prison? Il me semble que c’est tout le contraire.» […]

Alexandre Vialatte, chronique 885 du 10 janvier 1971 («Remarques inactuelles sur l’homme et la pédagogie»), in Chroniques de la Montagne (volume 2), Paris, Robert Laffont, 2000.

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