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Un référendum des cantons contre l’aménagement fédéral du territoire?

Félicien Monnier
La Nation n° 1943 15 juin 2012

Si tout se passe comme prévu, les Chambres fédérales votent aujourd’hui la révision de la Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT). C’est un contre-projet indirect à l’initiative «Pour le paysage» lancée en 2007, laquelle est soutenue par le PS et les Verts, entourés de divers groupements de protection de la nature dont WWF, Pro Natura, Greenpeace.

Son but est simple: lutter contre le «mitage du territoire». Elle donne donc à la Confédération une compétence supplémentaire pour édicter des dispositions spécialement axées sur la densification des tissus urbains ainsi que leur non extension aux territoires non constructibles.

Rappelons que la compétence législative de la Confédération en la matière est censée être limitée aux principes. Avec l’initiative, les principes prennent de l’embonpoint. Le moyen concret mis en place par les initiants est dictatorialement simple: gel de la surface totale des zones à bâtir pour les vingt années suivant l’acceptation du texte par le peuple et les cantons.

En 2010, le Conseil fédéral, opposé à l’initiative, a soumis aux Chambres un contre-projet indirect, allant dans le même sens, sous la forme d’une modification de la LAT. Ce contre-projet a subi d’importantes modifications de la part des Chambres. L’accord n’a été trouvé qu’après plusieurs navettes entre les deux Conseils.

Les auteurs de l’initiative semblent prêts à retirer celle-ci si aucun référendum n’aboutit. C’est un premier indice quant au caractère néfaste de la nouvelle LAT.

Sous l’angle du fédéralisme, ce contre-projet est un véritable aspirateur à compétences. Il impose plusieurs nouvelles obligations aux cantons. Ils doivent d’abord redimensionner leurs zones à bâtir et les adapter à la demande prévisible à quinze ans. Cela contraindra certains cantons à procéder à des transferts de zones à bâtir entre communes. Ces remembrements amèneront des plus-values aux propriétaires qui verront leurs champs passer en zone à bâtir. La nouvelle loi contraint ensuite les cantons à prélever un impôt de 20% sur ces plus-values (pour dédommager les propriétaires de parcelles dézonées?). Obligation inacceptable: la levée de l’impôt n’est-elle pas un attribut majeur de la souveraineté?

En ce qui concerne le redimensionnement, le Canton de Vaud est au moins aussi sévère que le futur régime fédéral. Les communes doivent déjà planifier à quinze ans le développement de leur territoire, dans une perspective de densification précisément. En revanche, la taxe sur les plus-values est laissée à la libre volonté des communes. Le seul fait que le Canton dispose déjà d’une solide législation en la matière marque l’inutilité d’une législation fédérale chez nous. Le Grand Conseil et le Conseil d’Etat auraient-ils travaillé pour rien?

Sur le plan des relations entre cantons et Confédération, ce contre-projet est pervers en ce qu’il introduit des mécanismes de division à l’intérieur de chaque canton. Soumises à l’obligation de redimensionnement et de remembrement, les autorités cantonales devront jouer les communes et régions les unes contre les autres. Sur injonction fédérale, elles devront retirer à certaines localités le droit de s’étendre. Des frustrations s’ensuivront obligatoirement. Elles seraient plus faciles à vivre si les cantons s’exprimaient individuellement sur les questions d’aménagement de leur territoire cantonal. La LAT accentue la tension entre les usages cantonaux et la législation fédérale.

Tout n’est pas perdu cependant. Nous croyons savoir qu’un comité se prépare à susciter un référendum des cantons contre la loi. Cette procédure, qui soumet une loi fédérale au vote du peuple si huit cantons le demandent, n’a été utilisée qu’une fois dans l’histoire, d’ailleurs victorieusement1. Le sujet s’y prête particulièrement bien, la maîtrise du territoire touchant au coeur même du fédéralisme.

Dans le Canton de Vaud, c’est le Grand Conseil qui décide le soutien du Canton à un tel référendum. Nous nous permettons d’attirer l’attention de nos députés sur le fait qu’il en va de leurs propres prérogatives politiques.

Notes :

1 Référendum des cantons contre le «Paquet fiscal», en 2003.

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