La démocratie corrompue
Un article du Figaro du 13 mai dernier se penche sur la gangrène du système politique américain par l’argent des lobbyistes (ils seraient près de treize mille à Washington). Le constat est clair: «Les élus, à peine arrivés aux affaires, sont obsédés par leur réélection. Ils passent 60% de leur temps à lever des fonds! Le système politique est un système organisé de pots-de-vin.» Suit une description édifiante des divers moyens que les groupes d’intérêt ont trouvé pour contourner les lois restreignant les contributions aux élus.
Nous imaginions alors que l’article allait conclure sur la nécessité de supprimer, si ce n’est les élections, au moins les réélections si néfastes au travail parlementaire et, par exemple, d’organiser la représentation du peuple non plus en fonction de partis à la recherche de sièges à occuper, mais par une représentation équilibrée des divers intérêts particuliers.
Cependant, la solution proposée par l’ONG interrogée dans l’article était beaucoup plus audacieuse: il faut un financement public des partis! C’est aussi l’avis de plusieurs politiciens et partis suisses, qui prouvent par là leur indépendance vis-à-vis de tous les lobbies excepté le leur propre.
Le financement public de la politique ne peut être qu’un emplâtre sur une jambe de bois (déjà méchamment attaquée par les bostryches). La lobbyiste anti-lobby américaine pose d’ailleurs la France en exemple. Nous ne savons pas que notre voisin hexagonal est réputé pour la probité de son personnel politique.
La dernière campagne présidentielle nous en a donné un bon exemple, de Mme Bettencourt au Colonel Kadhafi, en passant par les frégates de Karachi.
Les partisans d’un financement public des partis politiques oublient également que le groupe d’intérêt le plus puissant et le mieux représenté auprès des politiciens est l’administration publique et ses nombreux fonctionnaires. Est-il réellement souhaitable que les élus dépendent financièrement non seulement pour leur rémunération, mais encore pour leur campagne de l’Etat qu’ils sont censés contrôler? A cet égard, le système suisse de milice (pour les politiciens qui ont encore une profession indépendante de leur engagement politique) nous paraît donner une plus grande indépendance à l’élu qui sait pouvoir subvenir à ses besoins de manière autonome, s’il devait arrêter la politique.
Pour conclure, les groupes de pression représentent des intérêts suffisamment importants pour que les personnes concernées se soient organisées dans ce but: ils défendent des entreprises, des emplois. Ils peuvent apporter aux politiciens une vision de spécialiste, une vue de la pratique dans la préparation des lois les concernant, en particulier sur des aspects techniques. Il est légitime que ces aspects de la société et de l’économie se fassent entendre du législateur. Le problème ne vient pas de là, mais de l’élu démocratique tenté de faire passer son intérêt personnel avant l’intérêt général.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Résistance à l’Europe – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Les années septante vues par Vialatte – Alexandre Vialatte
- Terre précieuse – Alexandre Bonnard
- Pastiches de Robert Brasillach – La page littéraire, Olivier Delacrétaz
- Un référendum des cantons contre l’aménagement fédéral du territoire? – Félicien Monnier
- Le suicide et l’Etat – Revue de presse, Philippe Ramelet
- La fête des mères a du plomb dans l’aile – Revue de presse, Philippe Ramelet
- Un bon dimanche matin – Olivier Delacrétaz
- Encore une heure avec Rousseau – La page littéraire, Jacques Perrin
- Manger ou être mangé, telle est la question – Le Coin du Ronchon