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De l’école à venir à l’Eglise vaudoise en mutation

Daniel Laufer
La Nation n° 1946 27 juillet 2012

Nous vivons des temps affreux. Voilà plus de vingt ans que nous nous battons pour que les petits vaudois puissent bénéficier d’une scolarité excellente, ce qui suppose qu’on admette le principe de l’inégalité au départ; mais la tendance générale et l’officialité vont, comme on ne le sait que trop, vers un nivellement des différences et l’égalité à l’arrivée: tous bacheliers. Les diverses conceptions de la formation scolaire et du rôle de l’école ont donné lieu et donnent encore lieu à des débats sans fin où l’on perçoit aisément une fracture philosophique. Cette opposition et les difficultés qui en résultent sont multipliées par ce coefficient diabolique qu’est l’augmentation exponentielle du savoir et des moyens de l’atteindre. Très grand serait le ministre de l’éducation capable d’imposer, sans contestation, un tri parfaitement équilibré. La quadrature de cercle serait un jeu d’enfant à côté.

L’Eglise, ou, si l’on préfère, les Eglises, connaissent aussi une même tourmente, mais d’une autre nature. D’abord elles se vident. Il y a moins de personnes au culte du dimanche de telle grande paroisse urbaine qu’il y en avait au culte de Eglise libre de Payerne ou de Missy, communautés de quelques centaines d’âmes à peine. La fusion entre Eglises libre et nationale n’a malheureusement rien arrangé; la précipitation avec laquelle on a prétendu dissoudre ce sel de la terre qu’était Eglise libre est vite arrivée au point de saturation. Peut-être le sel résiduel en suspension a-t-il favorisé l’expansion des évangélistes fondamentalistes…

A cela s’est ajoutée la crise financière de l’institution ecclésiastique qui eût été résolue facilement si l’on avait représenté aux pasteurs que leur rémunération était deux ou trois fois plus élevée que celle de leurs collègues libristes avant 1966. il ne s’en est pas trouvé un seul qui ait eu le courage de proposer la diminution de dix pour cent de leur traitement qui eût suffi à maintenir Eglise à flot, à l’exception du pasteur Daniel Pache, homme de gauche, ancien directeur du Centre Social Protestant. Honneur à lui, Cassandre de l’église.

Mais revenons à l’école. Quel que soit le choix des filières, et même si l’on considère que le bac pour tous, après tout, est aussi naturel aujourd’hui que l’était l’alphabétisation pour tous il y a cent ou deux cents ans, cela ne change rien à ce fait: les maîtres qui aiment leurs élèves et qui sont animés par le désir constant de leur transmettre des connaissances, sont les seuls vrais piliers de l’école. C’est la formation des maîtres, la reconnaissance qui leur est due, qui devraient être au centre d’une réforme scolaire, et non pas d’improbables filières. Un bon maître reste un bon maître dans n’importe quel système. Si l’on est encore loin de cette réforme-là, on se consolera des fastidieux conflits de ce temps en se représentant qu’ils ne datent pas d’aujourd’hui, mais de tout temps, comme nous le rappelle Platon dans La République: «a tout cela […] s’ajoutent encore ces petits inconvénients: le professeur […] craint ses élèves et les flatte, les élèves n’ont cure de leurs professeurs, pas plus que de tous ceux qui s’occupent d’eux; et, pour tout dire, les jeunes imitent les anciens et s’opposent violemment à eux en paroles et en actes, tandis que les anciens, s’abaissant au niveau des jeunes, se gavent de bouffonneries et de plaisanteries, imitant les jeunes pour ne pas paraître désagréables et despotiques.»

Il en va de même pour Eglise les innombrables colloques, commissions, projets de loi, etc., évacuent la seule chose qui devrait compter: la présence de vrais pasteurs, de vrais bergers. Même pauvres. Et l’on s’étonne que, faute de ministres dans les Eglises, celles-ci se vident.

A la paroisse de banlieue de Saint- Joseph, le curé Pittet disait trois fois la messe, une fois le samedi, et deux fois le dimanche; l’église était toujours pleine.

Le sceptique que je suis se demande pourquoi Dieu paraît avoir abandonné Eglise vaudoise; et un croyant fidèle me répond: ce sont les fidèles, et ceux qui les conduisent, qui L’ont abandonné.

 

DANIEL LAUFER (ancien libriste) .

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