Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

† Marc-Henri Cavin (1938-2013)

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 1974 23 août 2013

Marc-Henri Cavin, frère de notre ami et collaborateur Jean-François Cavin, est décédé durant le camp de Valeyres.

Licencié en droit, philosophe, bibliothécaire, il a enseigné durant des années à Vallorbe puis à l’École de Commerce.

Plusieurs de ses anciens élèves se sont manifestés amicalement à son décès. L’un d’entre eux, qui fut collégien de Vallorbe, nous le décrit ainsi: Sa simplicité, sa bonhomie, son humour, ses manières anticonformistes et ses aptitudes intellectuelles hors du commun lui avaient valu, dans notre classe, attachement et respect. C’était un plaisir de l’entendre disserter, sur n’importe quel sujet, avec une aisance et une perspicacité qui n’appartenaient qu’à lui… C’est qu’il avait le génie de la métaphore. Plus tard, lorsque le professeur Maurice Gex […], qui m’enseigna la philosophie des sciences à l’Université, me demanda si je l’avais eu comme maître à Vallorbe, nous en vînmes à échanger quelques remarques à son sujet. Maurice Gex me dit qu’il n’avait jamais connu personne qui eût, à un tel degré, le génie de visualiser n’importe quelle abstraction à partir d’une image concrète imaginée sur le moment… Ce qui me rappelle, tout naturellement, un extraordinaire cours de philosophie de l’Antiquité composé et dicté entièrement de tête par Marc-Henri Cavin, sans aucune note, pendant les leçons de culture grecque…

Un autre élève évoque la reconstitution in vivo d’une orgie romaine dans les bois, certes dans le respect de la morale en vigueur à l’époque,… mais tout de même avec un vrai sanglier, rôti selon une recette de l’époque.

Il était dépourvu de tout souci d’ordre et de discipline et supportait voire entretenait une joyeuse confusion dans ses classes, ce qui ne plaisait pas forcément à la direction. Il finit par quitter l’enseignement et entra dans une étude d’avocats pour laquelle il faisait des recherches juridiques.

Il connaissait fort bien la doctrine de saint Thomas. Durant des années, il collabora, avec cette humilité légèrement moqueuse qui était son attitude ordinaire, aux cours de philosophie que le pasteur Henry Chavannes donnait à Crêt-Bérard. Nous lisions sous sa direction le Discours de la méthode de Descartes.

Mais de disposition naturelle, il était plus proche de la mystique et de la religion orthodoxes que du rationalisme thomiste.

Conseiller communal à Pully durant quatre législatures, il invoquait les sentences de Pline l’Ancien et d’autres érudits romains à l’appui de ses développements, lesquels emmenaient parfois l’assemblée sur une autre planète.

Quand il entamait une discussion, il sortait du temps et de l’espace. L’un de nos amis l’avait conduit de Valeyres-sous- Rances à la gare d’Orbe. Ils attendaient le train en disputant férocement un point de philosophie, de telle sorte qu’ils eurent juste le temps de voir le train repartir. Ils remontèrent dans la voiture et, prenant tous les risques, le dépassèrent avant la gare de Chavornay, ce qui leur permit de s’asseoir, de reprendre la discussion… et de voir le train s’ébranler derechef sans philosophe à bord. C’est ainsi que, de gare en gare, et de ratage en ratage, Marc- Henri fut amené jusqu’à sa porte, où le débat reprit de plus belle. L’ami rentra au petit matin, un peu fatigué, heureux d’avoir vécu cette forme inhabituelle de poursuite de la vérité.

Marc-Henri Cavin fut un ami fidèle de la Ligue vaudoise. Il avait participé à deux camps de Valeyres et restait très attaché à notre mouvement et à nos actions. Il faisait partie de ces personnes qui gravitent autour de nous mais que leur tempérament contraint à suivre leur chemin propre en toute originalité.

Nous conservons de lui le meilleur des souvenirs.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: