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Enjeux suisses de la sécurité en Méditerranée

Edouard Hediger
La Nation n° 1948 24 août 2012

L’espace méditerranéen est pour l’Europe, avec le bassin rhénan, un accès essentiel pour le trafic des marchandises et des hommes. La Suisse ayant la situation géographique qu’on lui connaît sur le continent, on comprend également le sens que peut avoir cette mer pour notre pays, même s’il n’en est pas directement riverain. Depuis bientôt deux ans, les soubresauts du «printemps arabe» et l’effondrement de certains gouvernements, certes tenus par des potentats, mais stables et calmes, ont rendu l’avenir du Nord de l’Afrique et du Proche- Orient incertain. L’euphorie de l’été 2011 et ses revendications démocratiques ont rapidement laissé place à un vide post-révolutionnaire qui semble devoir s’installer pour longtemps. De plus, la dissémination des armes ayant servi aux rebelles locaux va permettre à des organisations terroristes de s’assurer une assise territoriale. Cela est déjà le cas au Mali où Al-Qaida au Maghreb islamique et les rebelles Touaregs dament le pion aux gouvernements d’Afrique saharienne. La possibilité d’une «somalisation» du monde arabo-méditerranéen n’est pas à exclure. La progression de la déliquescence de la région rend ce phénomène envisageable. Les interventions des puissances occidentales n’y changeront probablement rien.

La situation du Nord de la Méditerranée n’est guère plus encourageante. La crise de la dette, le marasme économique et leurs conséquences sont très marqués dans les Etats proches (Portugal, Espagne, Italie et Grèce). Nous nous permettons dès lors de douter de la capacité à moyen et long terme de l’Europe à assurer le contrôle et la sécurité de ses frontières maritimes et terrestres ainsi que du trafic commercial. De plus, la constante réduction tant des effectifs que des budgets militaires laisse penser que l’Europe se désintéresse de sa sécurité. La question des pays en marge de l’Europe des vingt-sept est également intéressante si l’on pense aux Balkans ou encore à la Turquie, qui partage des frontières avec la Syrie, l’Irak et l’Iran et où le problème kurde est chronique.

Quelles peuvent être les conséquences de la conjonction entre l’instabilité en Afrique du Nord et la probable incapacité croissante de l’Europe à assurer ses conditions d’existence, en particulier en Méditerranée? Une apparition de la piraterie utilisant comme base le Maghreb est possible, avec l’impact non négligeable que celle-ci aurait sur le transit entre le détroit de Gibraltar et le canal de Suez. De par une porosité accrue de ses frontières, la gestion des flux migratoires deviendrait encore plus hasardeuse qu’à l’heure actuelle. Il convient de se demander comment l’Europe tenterait de répondre à ces nouvelles problématiques. La France, seul Etat méditerranéen encore à même de déployer rapidement une force de contrainte d’importance dans la région, n’aurait pas les ressources suffisantes pour mener une opération de lutte contre la piraterie si celle-ci était appelée à durer.

La question des conséquences d’une telle évolution de l’espace méditerranéen pour la Suisse demeure. Premièrement, notre capacité à diversifier nos sources d'approvisionnement, notamment en matières premières, en pâtirait très certainement. En effet, plus de 20% du pétrole consommé chez nous provient de l’Afrique et transite par la Méditerranée. Le récent embargo sur le pétrole libyen imposé à la Suisse n’a certes pas amené à une pénurie ni à une hausse des prix significative, mais des difficultés d’approvisionnement à plus long terme pour le pays qui se trouve en toute fin de la chaîne pourraient avoir des conséquences plus durables et nous rendraient plus dépendants à l’égard de l’Union européenne ou encore de la Russie dont les moyens de pression, notamment gaziers, sont bien connus. Seconde conséquence possible, l’afflux de réfugiés politiques et économiques. Un relâchement du contrôle aux frontières de l’espace Schengen conjugué à une situation délétère en Afrique et au Proche-Orient provoquerait une augmentation des flux migratoires en direction de la Suisse. Ce phénomène a déjà pu être observé à la suite du Printemps arabe. Troisième conséquence possible, une pression accrue sur les transversales alpines. Une détérioration de la sécurité en Méditerranée mènerait à l’isolement de l’Italie du reste de l’Europe, rendant ainsi les voies de communications Nord-Sud vitales. D’autres hypothèses sont évidemment envisageables. Quoi qu’il en soit, l’avenir s’annonce incertain. La Suisse devra sauvegarder et adapter ses moyens sécuritaires pour pallier ces menaces.

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