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Servir pour être libre! - Un nouveau Cahier de la Renaissance vaudoise

Jean-François Cavin
La Nation n° 1969 14 juin 2013

Le citoyen moyen, naturellement patriote mais peu au fait des données réelles de l'actualité militaire, est fort perplexe devant la situation de l'armée en 2013 et l'importance de ses besoins. Combien nous faut-il de soldats? Les estimations varient de vingt mille à deux cent mille, donc du simple au décuple, la plus basse étant celle d'un capitaine-magistrat qui se prend au sérieux. Avons-nous vraiment besoin d'un nouvel avion de combat? Nos formations sont-elles démunies du matériel en état de fonctionner, comme on l'entend dire souvent, ou nos troupes constituent-elles au contraire l'une des meilleures armées du monde, comme on l'entend aussi dans la bouche d'un homme placé pour être bien renseigné? Le perpétuel et étrange sourire du conseiller fédéral en charge de la défense est-il celui d'un magistrat heureux ou le rictus forcé d'un responsable qui veut faire bonne mine à mauvais jeu?

Notre citoyen moyen aimerait y voir clair, pour savoir s'il vit en sécurité et aussi pour orienter son vote lors de prochains scrutins. Le Cahier de la Renaissance vaudoise n° 151, qui sort de presse, l'y aidera puissamment. Car ce recueil revu et augmenté des exposés présentés lors du Séminaire de l'hiver passé ne se borne pas à argumenter de façon substantielle en faveur de l'armée de milice, sujet de la votation de septembre; il passe aussi en revue la problématique des relations internationales, les préparatifs militaires de divers États, l'articulation de notre politique de sécurité, certains aspects pratiques de notre organisation militaire, sur terre et dans le ciel, ainsi que les besoins de notre armée.

M. Olivier Delacrétaz, dans un article fondamental, décrit Les raisons d'être permanentes de l'armée: le mal est dans le cœur de l'homme, la violence est présente partout dans le monde, la politique internationale est fondée sur des rapports de forces, l'armée exprime la volonté d'un État d'exister librement: Un État sans armée est un État infirme, un semblant d'État exposé à toutes les humiliations, condamné à acquiescer à toutes les exigences. Ce chapitre de philosophie politique est aussi un texte de combat: M. Delacrétaz gorille vigoureusement les pacifistes nourrissant des illusions perpétuellement démenties et le parti socialiste qui a inscrit à son programme, en 2010, l'abolition définitive de l'armée suisse.

Le commandant de corps Dominique Andrey, commandant de l'armée de terre, expose la politique suisse de sécurité, en insistant sur l'imprévisibilité des dangers et des menaces et sur la nécessité de coordonner les actions, dans le respect du fédéralisme, des divers corps qui contribuent à la sécurité: police, pompiers, armée, autres formations volontaires.

Le général de corps d'armée français Robert de Crémiers analyse, sous l'angle historique, psychologique et stratégique, la décision de la République voisine de «suspendre» (et non d'abolir) la conscription généralisée. Dans un article du plus haut intérêt, il fait clairement apparaître que la volonté de professionnaliser l'armée va de pair avec celle d'intervenir militairement sur la scène mondiale; missions qui exigent un haut degré de préparation et qui impliquent des risques qu'on n'ose plus faire assumer par des miliciens; mourir pour défendre le sol de la patrie, oui; mais pour les enjeux insondables de la politique occidentale en Afghanistan… L'exemple français fait ressortir, par contraste, une des raisons d'être de la milice suisse, État neutre sans ambition militaire internationale.

Il revient à M. Félicien Monnier d'argumenter systématiquement contre l'initiative du GSsA et pour l'armée de milice. Il souligne que sa large assise dans la population de tous les cantons correspond à notre organisation politique fédéraliste (qu'une troupe restreinte de volontaires ou de professionnels ne refléterait jamais). Il montre comme il est illusoire de songer à recruter des volontaires en suffisance (en nombre et en qualité). Il évoque l'impasse financière où nous mènerait une professionnalisation: 6 milliards rien que pour les salaires, davantage que le budget total actuel, armement compris.

Le colonel EMG Félix Stoffel traite des forces aériennes et décrit avec précision leurs missions, notamment l'importante et permanente activité de police du ciel, qui ne ressortit pas à la défense dans la plupart des cas, mais qui ne peut être assurée que par l'armée de l'air. L'inventaire des appareils à disposition confirme la nécessité de l'achat d'un nouvel avion de combat.

Le colonel EMG Mathias Tüscher, enfin, dépeint à grands traits l'environnement politique et militaire de la Suisse: dans un monde où seuls les pays européens désarment (alors que leur évolution démographique les affaiblit déjà), où en revanche les grandes puissances et les pays émergents amplifient fortement leurs budgets militaires, notre pays est, parmi les pays développés, celui dont l'effort de défense est le plus faible par rapport au produit intérieur brut. M. Tüscher met en garde contre l'illusion qu'on puisse reconstituer une force de défense classique dans les délais utiles par le miracle d'une soudaine «montée en puissance», si l'on a perdu le savoir-faire du combat moderne. Il suggère ce que sont les besoins minimaux de l'armée en soldats, en indiquant notamment les effectifs nécessaires pour des missions telles que la sécurité du Forum de Davos ou la surveillance d'un aéroport international. La conviction du soussigné est que les cent mille hommes dont l'armée peut au mieux espérer disposer ne suffisent même pas à assurer la sécurité de nos sites stratégiques civils (énergie, transports, alimentation, etc.) durant une période tant soit peu durable de troubles terroristes.

Ce substantiel cahier, où l'on se réjouit de trouver les contributions d'éminents chefs militaires, fournit à tout citoyen les repères indispensables pour comprendre les enjeux sécuritaires d'aujourd'hui et pour éclairer sa lanterne dans les débats qui nous attendent.

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