Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Laisser sa marque sur le monde en le détruisant…

Patrick Bron
La Nation n° 1969 14 juin 2013

Voici revenu le temps des Promotions, cérémonie solennelle qui marque pour certains collégiens leur entrée dans la vie d’adulte.

Depuis une quinzaine d’années, une belle tradition perdure dans un Collège vaudois: pour clore la cérémonie des Promotions, les deux cents élèves de 9e montent sur scène pour interpréter un chœur d’ensemble.

Moment hautement symbolique: toutes filiales confondues, les potaches achèvent leur cursus scolaire obligatoire par un chant commun… L’an passé c’était L’Aigle noir de Barbara, cette année Oh! happy day, et «en mouvement», s’il vous plaît! Si les frais diplômés ont toujours joué le jeu – avec des voix plus ou moins assurées –, un incident a légèrement terni la dernière cérémonie. Une petite poignée d’élèves s’était en effet donné le mot à l’entrée du théâtre: «On va faire exprès de chanter faux!» Et les conspirateurs de mettre leur menace à exécution…

Ainsi donc, quelques jeunes vont entrer dans la vie active sans avoir la maturité qu’on attendrait du titulaire d’un certificat de fin d’études secondaires. Il me souvient d’une conférence des maîtres qui avait refusé d’accorder le papier à un élève qui pourtant réussissait, mais s’était toute l’année montré indigne de ce diplôme par son comportement. «Un certificat, ça se mérite!», aimait à rappeler le directeur.

A quoi attribuer ce manque de repères et d’esprit civique de quelques trublions qui choisissent de saboter un «rite de passage»? Au détriment de tous les camarades qui – à des degrés divers de conviction – se sont pliés de bonne grâce à l’exercice.

Provocation gratuite de gosses immatures? Envie d’épater les copains? Refus de l’autorité? Besoin d’émerger de la masse? Est-ce parce qu’ils sont issus d’une culture différente de la nôtre? Est-ce dû à un laxisme ambiant qui ne permet plus d’avoir des exigences? Serait-ce la faute à une école qui privilégierait les élucubrations de pédagogistes à la solide transmission de valeurs et de savoirs?

Je ne saurais bien sûr trancher.

Faut-il voir dans l’attitude de non collaboration de ces collégiens une simple manifestation de spontanéité infantile (à 16 ans!), une réaction épidermique trahissant un manque de contrôle de soi et une ignorance des bonnes manières? Ou est-ce plus grave: une envie de nuire, de gâcher, avatar pervers de la volonté de puissance?

Simone Weil parlait du besoin de «laisser sa marque»: «Conserver et détruire sont les deux substituts d’une création impossible. Seulement, pas de trace de JE dans la conservation. Il y en a par contre dans la destruction. JE laisse ma marque sur le monde en le détruisant.»

Mais pour finir tout de même sur une note positive, rendez-vous dans quelques années, quand ces réfractaires du gosier seront peut-être devenus un astucieux informaticien, un carrossier passionné, un serveur attentionné ou un jovial facteur.

C’est tout le mal que je leur souhaite…

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: