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Une idée géniale

Ernest Jomini
La Nation n° 2010 23 janvier 2015

Les Romands les plus suisses, dit-on, sont les Neuchâtelois. Surtout s’ils sont socialistes. Le conseiller aux Etats Berberat en apporte la preuve: il propose que l’armée mélange les Suisses des diverses régions linguistiques. Une partie de l’instruction consisterait dans l’apprentissage mutuel des quatre langues officielles, étape importante vers la cohésion nationale.

Mais l’armée ne regroupe qu’une minorité de la jeunesse masculine et les femmes n’y ont accès qu’au compte-gouttes. Or, des politiciens, tel le conseiller d’Etat genevois Maudet, demandent depuis des années que l’on instaure un service obligatoire pour toute la jeunesse, condition de la création d’un esprit civique national. L’objection à cette innovation: à quoi donc occuper ces milliers de jeunes pendant six mois ou une année? C’est ici que la proposition de M. Berberat devient géniale: toute la jeunesse suisse pourrait être astreinte à un cours prolongé d’apprentissage dans des camps linguistiques où se forgerait enfin la cohésion nationale. Bien sûr, il faudrait remplacer le bon allemand par le suisse-allemand, qui pour nos compatriotes d’outre-Sarine est leur langue, la langue du cœur. Quelle merveille lorsqu’à l’issue du service linguistique obligatoire un Genevois épris d’une Vaudoise lui déclarerait son amour en schwyzertütsch et que sa dulcinée lui répondrait en romanche!

Mais apprendre quatre langues, n’est-ce pas trop demander à l’ensemble de la jeunesse? L’administration fédérale, toujours prompte à rationaliser et à économiser (pour pouvoir dépenser plus ailleurs), ne manquera pas d’avoir un jour une idée géniale: pourquoi le camp linguistique ne se bornerait-il pas à apprendre une seule langue? Plus besoin de convoquer tout le monde: la création d’un corps d’instructeurs linguistiques suffira pour enseigner la langue majoritaire aux minoritaires. En outre, on a subtilement inscrit il y a quelques années le principe de la territorialité des langues dans la Constitution. On pourra donc le supprimer par un vote démocratique du peuple et des cantons. Nous aurons alors atteint la cohésion nationale parfaite.

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