A propos du revenu de base
Les Entretiens du Mercredi ont eu le plaisir de recevoir M. Olivier Meuwly, invité à la suite d’un article qu’il avait consacré à la notion de revenu de base dans le Journal des Arts et Métiers. M. Meuwly juge que cette idée, beaucoup plus ancienne qu’on ne le pense, pourrait, sous une forme ou une autre, influencer l’évolution de la notion de salaire.
L’initiative sur le revenu de base souhaiterait que chaque personne touche, même sans rien faire, un revenu de 2500 francs. Elle a été lancée par la gauche alternative et a reçu le soutien d’économistes libéraux. L’idée avait été envisagée dans les années nonante, mais la bonne situation économique qui a suivi fit que l’idée n’a pas progressé jusqu’à la récente crise. Une des propositions pour financer ce revenu de base est d’instaurer une taxe payée par les entreprises.
L’initiative ouvre un débat sur le rapport de l’individu au travail et sur la liberté individuelle. Le système actuel veut que l’homme réalise son autonomie par son travail: il est maître de sa force de travail et, en la mettant sur le marché, il devient autonome.
L’initiative voit les choses autrement. L’homme aurait droit à un libre épanouissement, ce qui n’est pas possible avec les contraintes liées au monde du travail. Dès lors, il s’agirait d’assurer à tous assez d’argent pour garantir leur autonomie. Il faudrait que l’homme soit libre de faire ce qu’il veut. Ce serait aussi un moyen de rehausser l’intérêt pour les travaux en faveur de la collectivité (vie publique ou associative, bénévolat).
Ce revenu de base pourrait simplifier le système d’assurance, si son instauration permet de supprimer les assurances sociales. Mais le texte de l’initiative n’est pas aussi clair et ne précise pas explicitement cela.
Qui en bénéficiera? Tous les gens qui vivent sur le territoire, même les étrangers, ou à partir du permis B ou seulement les citoyens? Et si seuls les citoyens en bénéficient, cela ne pourrait- il pas conduire à une sorte de réaction protectionniste, les ayants droit se sentant comme une famille et ce revenu étant en quelque sorte le patrimoine familial qu’il serait bon de ne pas disperser? Ce système conduirait-il à la paresse? Si on touche assez pour survivre, il ne serait pas nécessaire de faire quoi que ce soit. Cependant, ce revenu de base étant bas, il est censé inciter à travailler pour gagner plus. Mais s’il y a risque d’abus, il faut donc des contrôles de l’Etat et tout contrôle amène une restriction de la liberté. Le texte parle de la population. Est-ce qu’un citoyen suisse bénéficierait de cet argent en allant vivre ailleurs?
On ne peut pas bien vivre avec 2500 francs. Si cette initiative passe, il y a aura forcément des débats pour rehausser ce salaire de base.
Cette initiative pose plus de problèmes qu’elle n’en résout.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- L’avenir de la liberté d’expression – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Une idée géniale – Ernest Jomini
- La force de la vérité: Léon Bloy – Lars Klawonn
- Mathématiques électorales – Cédric Cossy
- Les charlistes (scène) – Jacques Perrin
- Les mystères de la péréquation – Jean-François Cavin
- Hommage aux éditions Empreintes (à l’occasion de leur trentième anniversaire) – Daniel Laufer
- Cabu – Olivier Delacrétaz
- Les allocations familiales font partie du revenu – Pierre-Gabriel Bieri
- Plaidoyer pour l’amalgame – Le Coin du Ronchon