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Sigmaringen

André Durrussel
La Nation n° 2031 13 novembre 2015

Pour beaucoup d’entre nous, surtout parmi les nouvelles générations, le nom de cette petite cité du sud de l’Allemagne, dans le Land du Bade-Wurtemberg, sur le Danube, n’évoque rien de bien particulier, sinon le lieu de la naissance des derniers rois de Roumanie Carol 1er et Ferdinand 1er. Or, son imposant château, réquisitionné durant la seconde guerre mondiale, a vécu l’arrivée, en date du 7 septembre 1944, d’un millier de Français collaborateurs et autres personnalités officielles du régime de Vichy et de la Milice française, tous fuyant l’avancée des troupes alliées en France. Parmi ces réfugiés se trouvait le maréchal Philippe Pétain et sa suite. Une «Commission gouvernementale», présidée par Fernand de Brinon, tentera d’organiser dans ces lieux protégés la suite du régime vichyste, et cela jusqu’en avril 1945. L’écrivain Louis-Ferdinand Céline, qui était aussi médecin, évoque cela dans son ouvrage intitulé D’un château l’autre, mais il n’a pas tenu à remplacer un jour le docteur Bernard Ménétrel au chevet du maréchal en exil.

Par une pure coïncidence, lorsque je signais moi-même à Morges, au début de septembre 2014, mon petit roman historique intitulé J’ai gardé la frontière (voir La Nation no 2003 du 17 octobre 2014), j’apprenais que l’écrivain français et membre de l’Académie Goncourt Pierre Assouline était aussi présent au «Livre sur les Quais» avec un très récent roman intitulé Sigmaringen. J’avais effectivement mentionné, mais sans autres précisions historiques, le nom de cette ville sur les pages où j’évoquais l’ultime retour en France du maréchal Pétain et son arrestation à la douane française de Vallorbe, le jeudi 26 avril 1945, venant précisément de Sigmaringen, via Bregenz et Sankt Margrethen. Ce titre était désormais d’actualité.

Je n’ai pas eu le privilège de rencontrer Pierre Assouline à Morges en 2014. En revanche, je viens d’acquérir son ouvrage, réédité en septembre 2015 dans la célèbre collection «Folio» de Gallimard, no 6007. Or, ce roman de 354 pages est absolument remarquable. L’auteur se place dans le rôle du majordome principal du château, imaginé sous le nom de Julius Stein, afin de raconter la vie de tous les jours durant ces huit mois en vase clos. Son souci permanent est essentiellement celui du respect du protocole, qui tient ici le rôle de survie (ou de ciment) au sein d’une communauté disparate. Il y a aussi dans ces pages une idylle émouvante autour de la musique de Schubert, entre ce Julius et l’intendante française du maréchal, Jeanne Wolfermann, d’origine alsacienne. Une idylle vécue comme une parenthèse, comparable à l’épisode du bain de mer dans La Peste d’Albert Camus.

Bref, Sigmaringen, c’est une atmosphère particulière, c’est une page d’un passé pas si lointain, un passé parfaitement documenté par Pierre Assouline sur la base d’une bibliographie exhaustive mentionnée sous la forme d’une «Reconnaissance de dettes» en p. 347 à 352.

Il faut absolument le redécouvrir ou le connaître.

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