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Le tarif des notaires vaudois

Antoine Rochat
La Nation n° 2032 27 novembre 2015

L'actualité récente a mis en lumière la question du tarif des honoraires des notaires vaudois, soumis à la double critique du surveillant fédéral des prix et d’une motion socialiste au Grand Conseil, qui estiment ces honoraires trop élevés.

Pour que les choses soient claires, précisons d'emblée que l'auteur de présent article est lui-même un notaire vaudois.

Le notariat en Suisse

En Suisse, le notariat est fondé sur l’organisation fédéraliste du pays: «Les cantons déterminent pour leur territoire les modalités de la forme authentique.» (article 55 du Titre final du Code civil suisse). Rappelons que la loi prévoit une forme particulière pour des actes importants (vente immobilière, constitution de société, contrat de mariage, pacte successoral, etc.).

Trois types de régimes notariaux cohabitent en Suisse: le notariat latin (profession libérale), le notariat fonctionnarisé et le notariat mixte (combinaison des deux précédents, avec une répartition des compétences selon les domaines du droit). Les cantons romands, Berne, Argovie, les deux Bâle, Uri et le Tessin connaissent le notariat latin; Zurich et Schaffhouse le notariat fonctionnarisé; les autres cantons (Soleure, la Suisse centrale sauf Uri, et la Suisse orientale), le notariat mixte.

Le notariat vaudois

Dans notre Canton, le notariat est régi par une loi de 2004 (LNo), qui a remplacé celle de 1956. L’article premier de la loi définit le rôle du notaire: «Le notaire est l’officier de l’Etat de Vaud compétent pour recevoir des actes authentiques.»

Le notaire vaudois reçoit une patente, après avoir prêté serment devant le Conseil d’Etat. Sa profession est incompatible avec celle d’avocat. Il en va de même à Genève, mais pas dans les autres cantons rattachés au notariat latin, qui comptent bon nombre d’avocats-notaires.

Corollaire de la compétence exclusive du notaire en matière de forme authentique, sa responsabilité civile et pénale est très étendue (art. 107 ss LNo). L’Etat de Vaud, par l’intermédiaire de la Chambre des notaires, assure la surveillance de ses officiers publics. A ce jour, notre Canton compte cent six notaires en activité, tous membres de l’Association des notaires vaudois.

La loi vaudoise sur le notariat délègue au Conseil d’Etat la compétence de fixer le «Tarif des honoraires dus aux notaires pour des opérations ministérielles». Le tarif est obligatoire, les remises étant interdites, sauf cas exceptionnels dûment prévus (art. 114 LNo). Le tarif actuel est entré en vigueur le 1er janvier 1997.

Les critiques

Le surveillant fédéral des prix estime que les tarifs des notaires romands sont trop élevés et il recommande aux cantons de les réduire. Il faut cependant rappeler que le notariat est une compétence cantonale, et non pas fédérale. Par ailleurs, les statistiques évoquées par Monsieur Prix ne sont guère probantes, tant le rôle d’un notaire indépendant et celui d’un notaire fonctionnaire sont différents.

Quant à la motion socialiste, elle relève que la hausse des prix de l’immobilier entraîne automatiquement une hausse correspondante de la rémunération des notaires. Cela n’est pas tout à fait exact, puisque les barèmes du tarif sont dégressifs. L’évolution récente des prix dans l’immobilier vaudois est plutôt orientée à la baisse. Les notaires relèvent en outre que les ponctions des collectivités publiques sont bien plus élevées que les leurs lors des transactions immobilières. Les droits de mutation et les impôts sur les gains immobiliers s’expriment en pour cent, alors que le tarif notarial se calcule en pour mille. Pour les consommateurs, il vaudrait donc mieux diminuer les ponctions fiscales que baisser le tarif notarial!

Enfin, il faut noter que les notaires jouent un rôle de percepteurs pour le compte de l’Etat et des communes. En 2013, sur des transactions immobilières de près de huit milliards de francs, les impôts payés en mains des officiers publics se sont élevés à 650 millions de francs environ, sans que cela ne coûte un seul franc aux collectivités publiques. L’idée d’un montant de 5% du prix de vente en faveur du notaire est totalement erronée (en réalité, il s’agit plutôt d’une fourchette entre 1 et 1,5%), mais les idées fausses ont la vie dure.

Le rôle des notaires

Les notaires sont certes un passage obligé lorsque la loi requiert la forme authentique, mais ils assurent un rôle essentiel: la sécurité des transactions juridiques. Des dizaines de milliers d’actes sont signés chaque année dans notre Canton, pour une proportion de contentieux insignifiante.

Rappelons que les notaires ne s’occupent pas seulement des affaires immobilières, mais aussi du droit commercial, des régimes matrimoniaux et du droit successoral. Ils jouent également un rôle d’experts dans certaines affaires judiciaires civiles. Les notaires contribuent enfin à la bonne tenue de différents registres publics (registre foncier et registre du commerce notamment).

Soulignons qu’un tarif officiel protège l’ensemble des clients des notaires, alors que sa suppression ne profiterait qu’aux «gros» clients, au détriment des «petits»: les premiers seraient en position de force pour négocier des tarifs avantageux, qui devraient être compensés par une hausse des montants facturés aux seconds. A cet égard, le tarif joue un rôle social.

Conclusions

Le notariat latin en général, le notariat vaudois en particulier, doivent naviguer entre deux écueils importants: la libéralisation à outrance (telle que réclamée par Monsieur Prix ou par Economiesuisse) et la fonctionnarisation (plutôt soutenue à gauche de l’échiquier politique).

Enfin, rappelons qu’un notaire est un officier public, auquel l’Etat confie une parcelle de la puissance publique. A notre sens, la responsabilité du notaire implique un contrôle public de ses honoraires. Le tarif actuel ne paraît pas disproportionné, au vu de l’ensemble des circonstances.

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