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René Girard, grande figure de la pensée contemporaine, s’en est allé

Daniel Laufer
La Nation n° 2032 27 novembre 2015

La presse du monde entier a rendu hommage au grand écrivain que fut René Girard. Et si nous désirons nous y associer, c’est sans prétention, mais non pas sans raison.

Il y a bien des années, cela remonte à plus de vingt ans, nous avions présenté dans ces colonnes, à l’occasion du cinquantième «Camp de Valeyres», quelques aspects de la pensée de ce maître si original et indépendant, provençal de naissance (au premier pastis, à Lausanne, on l’entendait retrouver l’accent de sa jeunesse), puis, après l’Ecole des Chartes, devenu un professeur américain, enseignant dans différentes universités, et finalement à Stanford où il est resté jusqu’à sa mort. René Girard n’était pas encore à cette époque le «Darwin des sciences humaines», comme l’a nommé Michel Serres dans son discours de réception à l’Académie Française. Ses premiers livres, Mensonge romantique et vérité romanesque, La violence et le sacré, Des choses cachées depuis la fondation du monde ont reçu un accueil glacial en France, particulièrement dans les milieux de l’anthropologie universitaire, mais aussi à la rédaction de La Nation ! C’est ainsi qu’on pouvait lire dans l’édition du 20 août 1994: «Les thèses de Girard n’ont pas la portée générale et définitive que leur attribue leur auteur, dont nous avons pu voir […] qu’il en prenait à son aise avec les Ecritures

L’auteur de cette critique n’en admettait pas moins qu’il fallait rendre justice à un anthropologue qui affirmait, face à toute la cohorte lévy-straussienne, l’originalité irréductible du mystère de la Croix: on ne saurait parler du «sacrifice» du Christ, au sens traditionnel où le sacrifice est censé calmer la colère des dieux: Il est mort non pour se sacrifier, mais pour ressusciter.

Ces réflexions nous avaient amenés avec quelques amis et grâce à l’intervention du Pr. Jean-Bernard Racine, à faire venir René Girard à Lausanne, pour une série de séminaires aux facultés des lettres et de théologie, à Crêt-Bérard pour le grand public. Belles heures en vérité!

C’est évidemment anticiper sur sa pensée que d’évoquer d’abord sa lecture des Evangiles, car René Girard a entrepris sa grande aventure intellectuelle en déchiffrant, comme on le sait bien maintenant, la rivalité mimétique qui parcourt d’un bout à l’autre les chefs-d'œuvre des tragiques grecs, Shakespeare, Proust, Dostoïevski, pour ne citer que ceux-là; il y a d’ailleurs quelque chose de réducteur à prétendre, comme on a tendance à le faire, ramener sa pensée à un commentaire des Evangiles.

Et pour en venir aux drames de notre temps rappelons qu’en 2003 déjà Girard analysait le phénomène du ressentiment (au sens de Dostoïevski) chez les kamikazes en prédisant l’avancée de ce phénomène, violence toujours plus menaçante qu’il définissait comme une «apocalypse objective».

Nous ne pouvons penser à l’homme que nous avons rencontré ici et chez lui, et qui n’est plus, sans ressentir une grande tristesse. Mais nous sommes heureux de l’avoir fait connaître dans notre Pays, espérant que son œuvre fera, chez nous aussi, l’objet de nos études et même de nos critiques.

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