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Stratégies, lignes d’action et mesures - 4e adaptation du Plan directeur cantonal

Jean-Michel Henny
La Nation n° 2040 18 mars 2016

Comment décrire en quelques lignes le Plan directeur cantonal tel qu’il est entré en vigueur le 1er janvier 2016, après avoir été adapté par le Grand Conseil en mars 2014, pour la 3e fois, et approuvé par le Conseil fédéral le 30 mars 2015? Il s’agit certes de quelques plans, mais surtout de textes enroulés autour de stratégies thématiques, de lignes d’action et de mesures à prendre, le tout complété par des fiches régionales. Il y en a plus de 400 pages!

Le langage des urbanistes

Il s’agit de soutenir la vitalité du territoire et de préserver la qualité du cadre de vie tout en maintenant la solidarité et l’équilibre interrégional en misant sur un réseau équilibré de centres, le tout en trois dimensions, soit le réseau urbain, le réseau écologique et les ressources locales à valoriser, sans oublier de renforcer le partenariat entre tous les acteurs du projet de territoire cantonal.

Les stratégies consistent à coordonner la mobilité, l’urbanisation et l’environnement, à renforcer la vitalité des centres, à encourager une vision dynamique du patrimoine, à valoriser le tissu économique, à concilier nature, loisirs et sécurité, et à assurer à long terme la valorisation des ressources.

Parmi les lignes d’action, on mentionnera la volonté de localiser l’urbanisation dans les centres, de stimuler la construction de quartiers attractifs, d’optimiser l’implantation des équipements publics, de valoriser le patrimoine culturel, de faciliter l’accueil d’entreprises et de soutenir le tissu économique existant, de renforcer les réseaux touristiques et de loisirs, de valoriser le patrimoine naturel, de préserver les terres agricoles, d’assurer une exploitation durable des ressources et de favoriser les ressources renouvelables et indigènes.

Quant aux mesures, elles sont destinées à préciser les lignes d’action et consistent notamment à prévoir les méthodes de légalisation des zones à bâtir et de réduction des zones manifestement surdimensionnées, à coordonner les réseaux routiers de mobilité douce, à protéger l’homme contre les nuisances, à créer des centres cantonaux et régionaux, à optimiser les infrastructures publiques, à protéger le patrimoine culturel et naturel, à réserver les surfaces d’assolement et à préserver les eaux souterraines.

Il y a 6 stratégies, 18 lignes d’action et 58 mesures principales. Chaque mesure dresse la problématique, fixe l’objectif et décrit la mesure, le tout étant complété par des dispositions particulières, les autorités compétentes, les coûts, les délais et les références à la législation et à d’autres documents.

A quoi ça sert?

Le Plan directeur cantonal n’est pas destiné, comme certains l’ont cru longtemps, à rester dans un tiroir auquel seuls les spécialistes ont accès.

Chaque fois qu’une commune veut modifier un plan de quartier, un plan partiel d’affectation ou l’ensemble de son plan d’affectation (plan de zones), le projet est passé au crible du Plan directeur cantonal. Tant que toutes les conditions posées par la planification directrice cantonale ne sont pas remplies, le Service cantonal du développement territorial ne donne pas son feu vert et la commune concernée risque, si elle n’obtempère pas, de voir son plan retoqué même s’il a passé le cap de l’enquête publique et de la ratification par le conseil communal ou général.

C’est en application de ce Plan directeur cantonal que les communes doivent réduire les zones à bâtir excédentaires. C’est lui aussi qui les empêche, même si elles en ont besoin, d’élargir les zones à bâtir insuffisantes parce que cet agrandissement se ferait par exemple au détriment des surfaces d’assolement qui doivent être préservées pour l’approvisionnement en cas de crise (le Plan Wahlen des temps modernes).

La haute surveillance de la Confédération

La loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) fixe très précisément le contenu et les modalités d’établissement du Plan directeur cantonal.

Après avoir été élaboré par les services cantonaux et adopté par le Grand Conseil, il est soumis à l’Office fédéral du développement territorial qui l’examine à la loupe pour s’assurer qu’il correspond aux dispositions impératives de la LAT et de son ordonnance d’exécution. Si c’est le cas, il est alors approuvé par le Conseil fédéral et s’impose à toutes les autorités, tant fédérales que cantonales.

La LAT modifiée en 2013

La LAT a été modifiée en 2013. Elle est entrée en vigueur le 1er mai 2014 après un vote populaire.

Depuis cette date, les cantons sont tenus de réduire les zones à bâtir qui dépassent les besoins prévus pour les quinze prochaines années. Cela contraint en particulier le Canton de Vaud, mais il n’est pas le seul, à revoir son Plan directeur. Un avant-projet vient d’être soumis à consultation publique. Il devrait être adopté par le Grand Conseil d’ici la fin de cette année pour entrer en vigueur à fin 2017 après approbation par le Conseil fédéral.

Le Département du territoire et de l’environnement, par son Service du développement territorial, propose de modifier diverses stratégies, lignes d’action et mesures. On ne retiendra ici que la mesure A11 qui tend à remodeler complètement les zones à bâtir en les réduisant là où leur surface est excessive et la mesure F12 qui renforce la protection des surfaces d’assolement.

A11

Les communes doivent redimensionner leurs zones à bâtir en vérifiant l’adéquation entre leur capacité d’accueil en habitants et la croissance démographique projetée. Le Plan directeur cantonal prévoit que l’augmentation de la population dans les communes peut varier entre 1% par année depuis 2008 pour les villages ou quartiers hors centre, et jusqu’à 2,6% pour la région Payerne-Estavayer-le-Lac et le Grand Genève, par exemple. La croissance est ainsi limitée à 11’300 habitants par année pour tout le Canton.

Les communes doivent faire ce travail d’ici au 30 juin 2021 au plus tard. Si elles ne le font pas, c’est le Département en charge de l’aménagement du territoire qui agira par substitution. Tout cela devrait permettre au Canton de compter 940’000 habitants en 2030 et 1’040’000 en 2040.

Quand on sait que sur 318 communes il y en a 244 qui disposent de réserves surdimensionnées en zone à bâtir, on voit que les conséquences du nouveau Plan directeur cantonal seront importantes pour nombre de communes qui devront supprimer certaines de ces zones. Qui en supportera les conséquences? Le passage d’une parcelle de la zone à bâtir à la zone agricole se fera-t-il sans compensation (expropriation matérielle)? On ignore à l’heure actuelle comment les tribunaux trancheront. Il est probable qu’ils seront peu généreux envers les propriétaires.

F12

Une autre modification importante du Plan directeur vise à mieux préserver les terres agricoles. La mesure F12, qui concerne les surfaces d’assolement, est sensiblement revue et devient plus contraignante car le Canton s’est rendu compte que sur le quota de 75’800 hectares qui lui est fixé par la Confédération, soit 17% de la surface globale fédérale, il n’y a pratiquement plus de réserve alors qu’on imaginait il y a peu que cette «réserve cantonale» était de l’ordre de 700 hectares.

Cela signifie en bref et sans entrer dans les détails et exceptions, d’ailleurs peu nombreuses, que tout mètre carré de terre agricole répertorié comme surface d’assolement qui passe en zone à bâtir doit être compensé par une surface équivalente de zone à bâtir cultivable de bonne qualité qui passe en zone agricole. C’est pratiquement difficile, voire impossible. De nombreux projets sont bloqués par cette interdiction de fait d’étendre la zone à bâtir dans le Canton. La Confédération, par son Office du développement territorial ou par l’Office fédéral de l’agriculture, veille au grain et a déjà recouru à plusieurs reprises contre des décisions du Département du territoire et de l’environnement (approbations de plans d’affectations) qui rognent peu ou prou les surfaces d’assolement.

Reprendre la main

Il est souhaitable que le Canton prenne en main l’aménagement de son territoire. Il le fait depuis longtemps. Il est regrettable qu’il doive maintenant le faire sous la pression insistante et le contrôle tatillon de la Confédération. Cette pression et ce contrôle se sont encore accrus avec l’entrée en vigueur de la LAT révisée et approuvée par le peuple en 2013.

Nous suivrons attentivement les travaux du Grand Conseil sur le sujet.

Dans le courant de cette année encore, il examinera le Plan directeur cantonal nouveau.

Il traitera aussi d’une modification importante de la loi cantonale sur l’aménagement du territoire et les constructions (LATC) et adoptera très vraisemblablement une norme législative mettant en vigueur l’obligation faite aux cantons d’introduire une taxe cantonale sur la plus-value résultant du classement d’un terrain en zone à bâtir ou d’une autre mesure étatique donnant de la valeur à un terrain.

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