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Liste unique à la majoritaire

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2183 10 septembre 2021

Une importante réforme de la loi vaudoise sur l’exercice des droits politiques (LEDP) est en cours. Dans cette Nation spécialement consacrée à ce thème, M. Lionel Hort décrit l’économie générale du projet. M. Benoît de Mestral se penche sur le point très particulier de la suppression du droit de vote des personnes incapables de discernement. M. Olivier Delacrétaz rappelle quelques fondements de la démocratie directe.

Après les travaux en commission, la révision occupe le Grand Conseil depuis la semaine dernière et le vote final est fixé à mi-octobre. Une importante discussion a trait à l’élection de nos municipaux, conseillers d’Etat et sénateurs. Il s’agit sans doute, avec les nouvelles règles sur le financement des mouvements politiques, de l’aspect le plus important du projet.

«On élit des personnes, pas des idées.» Les Vaudois le répètent volontiers avec fierté lorsqu’ils évoquent ces élections au système majoritaire. Contrairement au système électoral proportionnel, le système majoritaire n’intègre pas les partis des candidats dans la fixation du nombre de sièges: sont élus ceux qui ont obtenu la majorité des voix exprimées, indépendamment du nombre de voix remportées par leur parti. Le but est de refléter la diversité des personnes, non la diversité des doctrines. Mais là s’arrête la théorie.

La tendance générale serait aujourd’hui de considérer que les petites communautés peuvent se contenter du système majoritaire, plus simple à pratiquer pour les bureaux électoraux, mais que les grandes structures doivent connaître un système proportionnel, seul à même de représenter les diversités de la société.

Durant les travaux préparatoires, un commissaire a pourtant proposé que les élections aux municipalités, au Conseil d’Etat et au Conseil des Etats interviennent au moyen d’une bulletin unique. Il aurait la forme d’une simple liste de noms, que l’électeur aurait la possibilité de cocher.

Il n’y aurait ainsi plus de bulletins estampillés aux couleurs du parti des candidats. Les élections à la Municipalité de Lausanne ont révélé combien le système actuel était une proportionnelle qui ne dit pas son nom. Il n’y a, en termes de matériel de vote à manipuler, pas de différence. L’alliance de gauche et ses trois listes identiques à six noms, qu’autorisent les apparentements, aurait très bien pu placer un septième candidat à la Palud. Une liste unique aurait l’avantage de casser la logique idéologique que favorisent des bulletins de parti. L’électeur aurait l’obligation de s’intéresser aux candidats sans se contenter de la facilité d’adhérer à une ligne politique, quelle qu’elle soit. La commission a malheureusement refusé l’amendement, mais seulement grâce à la voix prépondérante du président. Rien n’est donc perdu au plénum.

Les commissaires ont tout de même cherché à limiter les biais du système actuel. La commission a décidé de mettre fin à la possibilité pour un candidat d’apparaître sur plusieurs listes à la fois. L’objectif est louable, mais il s’agit en réalité d’une incitation à la création d’alliances larges. Nous risquons de voir apparaître une forme de bipartisme: liste d’alliance bourgeoise contre liste d’alliance rose-verte. Cette solution a l’avantage d’affaiblir la «fausse proportionnelle», mais demeure incomplète. Elle frustrera les ambitieux – en particulier et pour le moment chez les verts désireux de se démarquer des socialistes – tout en favorisant les alliances idéologiques particulièrement schématiques. Elle ne sera dès lors pas durable. En politique cela est généralement un important défaut.

Les Vaudois ont pourtant raison de vouloir élire des personnes et non des idées: un politique dont la légitimité est personnelle exercera mieux le pouvoir. Personnellement désigné, il incarnera personnellement sa fonction. Sa responsabilité s’étendra à ses actes qui prolongeront son histoire individuelle, sa connaissance des mœurs du Pays, sa maîtrise instinctive de nos usages. Ses décisions seront le fruit d’un processus interne, autant que possible en cohérence avec sa personnalité propre. Ne pas assumer une décision revient alors à renier une part de soi-même.

Par ses exigences de réélection, le régime démocratique ne favorisera jamais que partiellement une telle conception du pouvoir politique. Mais lui assurer une action cohérente dans la personne et dans l’espace, c’est déjà quelque chose.

Favoriser un système excluant autant que possible les partis de la sélection de nos magistrats, ce serait un pas important vers une atténuation de l’idéologie dans les choix électoraux. Le calendrier interne des partis perdrait en importance au profit de celui du Pays. Un commissaire aurait affirmé, pour le déplorer, que la liste unique provoquerait une disparition quasiment complète de l’identité des partis. Contrairement à lui nous pensons que ce serait à saluer.

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