Initiative contre le F-35: un prétexte pour nuire à notre armée
Le 16 février, le Conseil fédéral publiait le message 2022 sur l’armée. Cette année, ce texte a pour principal objet de demander au Parlement son accord pour les crédits nécessaires à l’achat de 36 avions de combat F-35. Rappelons que la décision de renouveler la composante aérienne de notre armée a été soumise au peuple le 27 septembre 2020. L’objet a de justesse été accepté, à 8000 voix près environ. Le GSsA s’est prévalu de ce score serré pour lancer une initiative le 31 août dernier, dirigée explicitement contre le type d’appareil sélectionné par le Conseil fédéral. Il a pour appui le parti socialiste et les Verts. Ne nous y trompons pas, le but est de torpiller le processus d’achat et de priver la Suisse de son armée de l’air. Il faut dire aussi que la gauche saisit l’occasion d’une large médiatisation des problèmes de jeunesse du programme F-35 pour se donner un peu plus d’assurance.
Au vu des événements des deux dernières semaines, Viola Amherd a enjoint à l’alliance de gauche anti-armée – le F-35 n’étant qu’un prétexte pour détruire un peu plus notre armée – de retirer son initiative contre l’avion. De manière peu surprenante, l’alliance a refusé.
Entre autres arguments, le GSsA prétend tirer les leçons de la guerre en Ukraine en avançant qu’une défense aérienne ne sert à rien, car elle serait détruite dans les premières heures d’une invasion par des missiles de croisière. Cela revient à dire qu’il ne vaut pas la peine de préparer notre défense, car on ne peut rien contre les Goliaths de ce monde.
Mais pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement au domaine cyber tant choyé par la gauche? Les USA, la Chine ou encore la Russie ont chacun des milliers de spécialistes en informatique travaillant pour l’armée. La Suisse, même en accordant quelques milliards au domaine cyber, ne les égalera jamais. Alors, tant qu’à faire, autant ne pas essayer de se défendre contre les attaques informatiques!
Il n’y a pas de meilleur moyen de perdre un combat que de renoncer à le mener. Avec cette logique, on ne se prévaut d’aucune menace et on renonce complètement à se battre, acceptant la soumission sans protestation aux désirs du plus fort. S’assurer de manière définitive et absolue contre la menace aérienne est impossible. Mais cela ne veut pas dire qu’il faut renoncer à défendre notre espace aérien. Au contraire, il faut réfléchir aux moyens nécessaires à la mise en place d’un plan de défense aérienne réaliste, cela signifiant deux choses, d’une part qu’il soit techniquement et financièrement réalisable, mais surtout qu’il soit stratégiquement et tactiquement sensé.
En soit, l’argument du GSsA suggère une question qui a du sens, celle de savoir pendant combien de temps nos avions doivent pouvoir assurer leurs missions à partir du moment où la Suisse serait frontalement attaquée. Pendant la Guerre froide, l’idée était que notre armée de l’air assure la sécurité du ciel pendant le temps que les hommes mobilisés gagnent leurs positions. Aujourd’hui, il s’agit d’adapter la doctrine d’engagement des forces aériennes en fonction de ce qu’on observe dans les conflits dans le monde. En Suisse, nous avons de très nombreuses pistes d’atterrissage, assez longues pour faire décoller et atterrir des avions à réaction. Pour des questions de coût, elles ont été délaissées par l’armée, au profit des seuls aérodromes de Emmen et de Payerne. Si l’on craint que nos avions soient tous détruits, ainsi que les pistes de décollage, dans les premières heures d’une attaque, alors on pourrait suggérer de remettre en cause l’abandon de ces aérodromes périphériques. On pourrait les préparer à accueillir les nouveaux avions de combat, qui pourraient ainsi se disperser sur le territoire en cas de menace imminente.
Cela augmenterait le nombre de missiles de croisière nécessaires à notre anéantissement. Si la guerre en Ukraine nous apprend déjà quelque chose, c’est que les forces de l’envahisseur ne sont pas infinies. L’idée serait de maximiser le nombre de missiles de croisière et autres munitions de précision nécessaires à la destruction des infrastructures critiques de la Suisse, et plus particulièrement de ses aérodromes militaires.
Malgré la puissante attaque initiale de la nuit du 23 au 24 février, les Ukrainiens sont vraisemblablement parvenus à garder quelques capacités anti-aériennes intactes. Depuis lors, d’après les informations qui circulent sur les réseaux sociaux, l’armée russe compte par dizaines ses pertes d’aéronefs. En outre, la tentative en cours de l’Union Européenne de fournir à l’Ukraine des avions de combat montre que la composante aérienne est tenue en haute estime. Cette opération paraît difficile, car il faudra convaincre les pays membres qui ont encore des avions d’origine soviétique du même type que l’Ukraine, soit la Pologne, la Bulgarie ou la Slovaquie, de céder quelques-uns de leurs avions de combat. Cependant, elle serait totalement impossible si l’Ukraine ne disposait pas actuellement de pilotes de chasse, préalablement formés et entraînés dans l’armée de l’air ukrainienne.
Mentionnons que la Suède, en cas d’attaque, mise particulièrement sur la dispersion de ses avions de combat sur tout son territoire. L’injustement décrié Gripen a été conçu pour pouvoir opérer à partir de pistes improvisées telles que des portions de routes. Un camion semi-remorque suffit à contenir tout le matériel nécessaire au maintien en conditions de combat de l’appareil.
Ainsi, plutôt que de prétendre que des avions de combat ne servent à rien à cause de leur vulnérabilité, il faudrait exiger du Conseil fédéral qu’il réfléchisse à de telles stratégies, tout en lui octroyant les moyens financiers de les mettre en place. Pour une fois que nous approuvons pleinement que l’on prenne exemple sur les pays nordiques!
Ces dernières décennies, la tendance dans les pays d’Europe de l’Ouest a été d’adapter les stratégies de défense et les moyens alloués aux armées à l’argent que les politiques et financiers voulaient bien octroyer à cela. L’illusion a été entretenue que l’économie mondialisée avait définitivement relégué à l’histoire les guerres territoriales. En outre, et en particulier en Allemagne, en Belgique, en Italie mais aussi en Suisse, on a cru que les Américains, au travers de l’OTAN, seraient là pour nous défendre si nécessaire. Les événements de ces deux dernières semaines montrent qu’il est urgent de tordre durablement le cou à cette rhétorique usée par la gauche depuis maintenant des décennies qui veut faire croire que les dépenses militaires ne sont qu’un luxe inutile. Nous leur proposons d’aller faire cette propagande en Ukraine.
Quant au choix du F-35, nous aurons l’occasion d’y revenir, étant donné que l’initiative contre l’armée du GSsA, déguisée en initiative contre le F-35, va très probablement aboutir. L’enjeu est crucial pour notre pays. Ce sera cet avion ou rien du tout. Nous sommes convaincus que là est le véritable objectif des initiants. Au fond, la question du type d’appareil et de son coût n’est pas si importante. C’est un leurre de la gauche. Ce qui importe le plus, c’est d’avoir une armée capable de défendre notre territoire. Cela a un prix, mais ne lésinons pas là-dessus. C’est une question de survie pour notre Confédération, les événements actuels sont là pour le rappeler.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- NON à la Lex Netflix – Editorial, Félicien Monnier
- Journalisme justicier? – Jean-François Cavin
- Publicité: jusqu’où irons-nous? – Benoît de Mestral
- La régression woke – Olivier Delacrétaz
- Un dimanche comme les autres – Jacques Perrin
- Agriculture et écologie, concurrents ou alliés? – Edouard Hediger
- Les dimanches se suivent – Jacques Perrin
- Les faits et les croyances – Jean-François Cavin
- Quand Siri rencontre Alexa – Le Coin du Ronchon