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Au Quartier des Arts

Jean-François Cavin
La Nation n° 2209 9 septembre 2022

Dans la zone cimentée proche de la gare de Lausanne, qu’on appelle Plateforme 10 en souvenir de son époque ferroviaire, le Quartier des Arts est désormais au complet: les trois musées prévus y ont pris place et la circonstance est marquée par des expositions inaugurales d’un grand intérêt.

Avant d’y entrer, c’est aussi l’occasion de considérer l’ensemble architectural qui a pris une forme à peu près définitive. Le bâtiment principal – celui du Musée cantonal des Beaux-Arts (MCBA) – reste toujours réfrigérant dans son uniforme austérité. Celui qui, au fond de l’esplanade, abrite le MUDAC et le Musée de la photo est en revanche une belle réussite, avec cette rupture des murs de façade qui donne l’impression que les étages s’envolent; et l’espace du rez-de-chaussée est magnifique, avec des lignes complexes et pures. On doit toutefois déplorer que les styles des deux édifices principaux ne s’accordent pas; c’est une occasion manquée. L’ensemble n’est pas très souriant, avec un grand espace bétonné sans le moindre charme; il semble qu’on réfléchit à la manière d’y ajouter de la verdure, ce qui serait bienvenu; il est aussi nécessaire de remanier l’entrée, du côté de la gare dont le chantier déborde sur l’aire muséale avec un baraquement provisoire – mais on sait maintenant que ce provisoire va durer très longtemps –, abord moche autant qu’il est possible; qu’on y offre au moins de larges surfaces aux tagueurs pour qu’ils égaient ce triste goulet.

 

Train – Zug – Treno – Tren

Les trois musées se sont entendus pour consacrer au rail – ça s’imposait! – une exposition inaugurale en trois parties. Au MCBA, un accrochage très réussi nous montre comment différents artistes se sont laissés inspirer par le train, avec toute sa poésie. Il y a des superbes photos, et bien sûr surtout des tableaux, parfois munis de grandes signatures: Chirico affectionnait de compléter ses architectures oniriques par la silhouette d’un convoi à panache de fumée; Edward Hopper est à l’honneur avec plusieurs toiles.

Le MUDAC a repris le thème en exposant avec soin et originalité du matériel ferroviaire. Quant au Musée de la photo, il nous submerge d’images – aussi des affiches, des dessins et des huiles – présentées dans un fatras péniblement articulé, mais où l’amateur de pittoresque (et parfois de très belles photographies noir-blanc) trouvera de quoi se réjouir.

 

Dubuffet: un legs généreux

La collection de Dubuffet constituée par Mireille et James Lévy, Lausannois décédés il y a quelques années, a été généreusement léguée au MCBA en 2019. Cette donation est exposée pour la première fois. Il s’agit d’une trentaine d’œuvres typiques de l’artiste dont les attaches avec Lausanne étaient solides; certaines sont de première importance. On y retrouve toute la feinte naïveté goguenarde du père de l’art brut. Le MCBA, avec ses Bocion, ses Vallotton, ses Soutter et bien d’autres, est vraiment le propriétaire ou le dépositaire de grands trésors. Et avec ses Buchet…

 

Buchet, rigueur et plénitude

… Car dans la riche rétrospective consacrée à Buchet, de très nombreuses œuvres appartiennent au MCBA, dont la politique d’achat n’a pas été passive au fil des décennies. Et Buchet, Vaudois, né à Etoy, ayant résidé longtemps à Genève et à Paris, de retour en terre vaudoise pour les vingt-quatre dernières années de sa vie, mérite bien l’hommage de cette belle exposition.

Le peintre a passé par diverses périodes: le futurisme où il suggère le mouvement avec une grande virtuosité; le cubisme et l’abstraction où ses lignes sacrifient davantage à la géométrie; une dernière période plus libre et plus lumineuse. Mais toujours on admire la maîtrise des couleurs, souvent dans la gamme des brun-ocre-beige-gris; et surtout, toujours domine un art de la composition (plusieurs de ses tableaux sont d’ailleurs intitulés «Composition») d’une fermeté remarquable; on éprouve un tel sentiment de plénitude qu’on se demande parfois si la force de l’œuvre ne va pas en faire éclater le cadre; mais non, tout est puissant, mais puissamment juste.

Gustave Buchet est l’un de nos grands.

Prenez sans tarder le chemin du Quartier des Arts: les expositions durent jusqu’au 18 septembre pour Dubuffet, jusqu’au 25 septembre pour les autres. Et, si vous craignez la fatigue, prévoyez deux visites tant les œuvres abondent.

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