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L’Amérique, la femme et Sartre

David Verdan
La Nation n° 2212 21 octobre 2022

Un film documentaire produit par le Daily Wire a fait grand bruit cet été de l’autre côté de l’Atlantique. Son titre prend la forme d’une question: What is a Woman?1 La thématique est donnée. Nous plongeons dans la problématique désormais incontournable pour les universités occidentales et les agences gouvernementales: le genre. Cependant, ce qui importe plus encore dans cette question est le verbe «être». Nous y reviendrons.

Ce documentaire, bien que n’étant pas une fiction, pourrait tout à fait se ranger à côté des films Idiocracy ou Déni cosmique. Nous y retrouvons les Etats-Unis sous ce qu’ils ont de plus pathologique. C’est à la fois amusant et effrayant. Amusant de constater l’inconsistance intellectuelle des intervenants et effrayant d’observer leur radicalité (et de savoir que nos universités locales sont déjà bien atteintes par cette folie). Mais venons-en au contenu. Matt Walsh, son réalisateur, part d’un constat simple (et surtout d’un ras-le-bol face au matraquage médiatique permanent de la thématique en question): Si l’on peut devenir une femme par le simple fait de se dire « femme», qu’est-ce qui fait qu’une femme est une femme? Il décide donc de partir à la rencontre des plus grands «spécialistes» du domaine avec toujours cette question simple comme fil rouge de sa quête de vérité: Qu’est-ce qu’une femme?

La réponse vous paraît évidente? Elle ne l’est pas dans l’Amérique postmoderne. Elle est même devenue taboue. En témoigne la réaction de ce Docteur Grzanka, éminent spécialiste en études de genre, pour qui cette question est irrecevable car touchant à l’essence, concept honni des sciences humaines contemporaines. Pour être exact, c’est même le concept de vérité objective qui est devenu tabou. L’extrait d’interview suivant, tiré du documentaire, est surréaliste mais si représentatif de la posture intellectuelle désormais courante de nos académiciens biberonnés à la philosophie postmoderne qu’il mérite d’être retranscrit pour nos lecteurs:

Matt Walsh: Au-delà du contexte social, j’essaie de commencer par trouver la vérité [sur ce qu’est une femme].

Dr. Grzanka: Je suis mal à l’aise avec ce langage: « atteindre la vérité». Dans le langage social…

M.W.: Pourquoi êtes-vous mal à l’aise?

Dr. G.: Parce que ça me semble profondément transphobe. Et si vous continuez à insister, nous allons arrêter cet interview.

M. W.: Si je demande ce qu’est la vérité?

Dr. G.: Vous continuez à invoquer le mot vérité, c’est condescendant et grossier.

M. W.: Pourquoi est-ce condescendant et grossier?

Dr. G.: [silence] Pourquoi ne me dites-vous pas quelle est votre vérité? Trente secondes de plus avant que je parte.

Au-delà de sa bêtise si sophistiquée, ce docteur a au moins le mérite d’incarner jusqu’à la caricature la méthode discursive de nos nouveaux spécialistes des sciences humaines: incapacité de dépasser la stricte subjectivité, déni de réalité, refus de dialoguer et finalement, fuite et menace.

A mesure que le reportage avance, il nous semble que l’indécence n’a vraiment plus de limite: des adolescents se prenant pour des animaux2 contraignant leurs enseignants de les traiter comme tels, aux psychiatres (-chopathes) encourageant les transitions dès l’âge d’un an, en passant par l’utilisation massive de castrateurs chimiques sur des adolescents pour bloquer leur puberté ou encore à ces athlètes féminines se faisant déclasser par des hommes se prenant pour des femmes… Et toujours cet appui insupportable des autorités institutionnelles et judiciaires. La simple expression utilisée ci-dessus: «homme se prenant pour une femme» suffit maintenant à être condamné au «pays des hommes libres». En bref, ce film nous expose une Amérique désespérément perdue où la confusion règne en maître. Toute altérité y est niée: homme-femme, humain-animal, jeune-vieux, beau-laid3… Mais cette dérive n’est pas si étonnante. Ce pays du déracinement et du court terme ne tenait que par une forte mentalité protestante qui cimentait une communauté nationale atomisée. Celle-ci ayant été progressivement abandonnée au profit d’un existentialisme parfaitement en phase avec le mythe américain du self-made man, le naufrage ne pouvait qu’advenir tôt ou tard. En effet, à la vue de ces illuminés (éveillés, dit-on), on ne peut que penser à la grande inversion de Sartre hélas trop connue: «l’existence précède l’essence». Aurions-nous voulu démontrer par l’absurde l’inconsistance de cette maxime que nous n’aurions pas imaginé pousser «l’affirmation de soi» jusqu’aux dérives actuelles. Et que dire de cette autre phrase du philosophe parisien: «L’enfer, c’est les autres» qui sous-entend que l’homme reste toujours dans une course à la démarcation permanente dans laquelle l’autre est considéré comme une menace potentielle à la subjectivité? N’est-ce pas là le fondement philosophique sous-tendant la subdivision interminable des LGBTQetc?

Et c’est ici que nous revenons à l’importance du verbe «être» dans le titre du reportage. Les choix d’existence ne touchent pas à l’essence. Un être est ce qu’il est, indépendamment de ce qu’il pense de lui-même. Nous avons une nature et nous ne pouvons pas la changer par la pensée ou la manipulation chirurgicale. La réalité est. La vérité consiste à s’y conformer. Il y a donc une vérité.

Mais hélas, toutes ces considérations sont aujourd’hui à des kilomètres des préoccupations d’une population centrée sur l’affirmation de son nombril et guidée par les dires d’un philosophe qui, objectivement, ne regardait pas droit.

Notes:

1      Le documentaire peut être visionné sur la plateforme de médias payante Daily Wire Plus ou, dans une version sous-titrée en français et gratuite, sur le site de streaming vidéo www.odysee.com. Le respect des droits d’auteur n’est toutefois pas garanti sur ce dernier.

2     Ce type de divagation porte un nom: «fury» et se diffuse avec une rapidité déconcertante. Sur le plan sexuel, il s’accompagne souvent de l’affirmation d’un «pansexualisme», soit une attirance sexuelle dirigée vers tous les êtres vivants, indépendamment de leur espèce…

3     Sur ce point, une compilation d’auto-exhibitions sur les réseaux sociaux de personnes «transitionnées» laisse un sentiment de malaise profond lors du film.

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