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Comment fixe-t-on le prix de l’énergie?

Sébastien Mercier
La Nation n° 2219 27 janvier 2023

Le 14 décembre dernier, nous avons eu l’occasion d’inviter, lors d’un entretien du mercredi, le responsable des affaires publiques d’ALPIQ, Mathias Lorenz, qui nous apporta différentes considérations s’agissant de la manière dont se fixe le prix de l’électricité.

ALPIQ est une entreprise productrice d’électricité siégeant à Lausanne. Son marché se concentre sur la Suisse, où elle produit 8326 GWh (69,2% de sa production). Les autres principaux pays concernés par le marché d’ALPIQ sont l’Italie (21,1%) et la Hongrie (8,3%).

Jusqu’en 2013, le marché de l’électricité connaissait en Suisse une situation de monopole, il n’y avait pas d’intermédiaire: la même entreprise se chargeait de la production, du transport et de la distribution. Depuis 2013, des entreprises de production comme ALPIQ n’ont pas les mêmes prérogatives que la société nationale de transport Swissgrid, qui est elle-même dépendante de différents distributeurs. En ajoutant ainsi des intermédiaires, les relations du particulier au producteur se trouvèrent complexifiées par les lois du marché et de la concurrence.

La Suisse base la majeure partie de la production de son électricité sur l’hydraulique, qui représente 58% de la production totale, et le nucléaire 33%. Cependant, elle n’est pas indépendante. Les capacités de stockage hydraulique ne lui permettent pas d’emmagasiner suffisamment d’énergie l’été pour pouvoir en profiter l’hiver (technique du pompage-turbinage). Elle est exportatrice nette l’été, exportant durant la période estivale une proportion d’électricité comparable à son besoin d’importation l’hiver venu. Le taux d’importation en hiver atteint parfois jusqu’à 30% de la consommation nationale.

Cela est rendu possible par les 41 interconnexions qui lient le réseau électrique suisse à ses voisins européens. Elles servent également à transporter l’électricité à travers notre Pays, par exemple en important de France et en exportant vers l’Autriche.

Le prix de gros en Suisse dépend directement de son prix sur les marchés européens, qui est influencé en partie par le contexte international. Il existe plusieurs méthodes d’achat sur le marché de gros avec des prix différents: le marché à terme, où l’électricité peut s’acquérir jusqu’à des années à l’avance, ainsi que le marché à l’heure appelé marché SPOT1.

La conjoncture voit d’ailleurs à travers une série d’éléments une explosion du prix de l’électricité depuis 2021. Les facteurs sont nombreux, et la guerre en Ukraine, participant à l’explosion, ne saurait, loin de là, les expliquer tous.

En chiffre, le prix sur le marché à terme pour livraison dans un an dépassait les 1000 euros par MWh en août 2022. Cela correspond à plus que le triple du prix de juillet 2022, et une multiplication par 13 du prix de juillet 2021. C’est du jamais vu depuis les années 2000. Rares ont été les crises énergétiques voyant le prix excéder 50 euros/MWh sur le marché à terme, et aucune n’avait dépassé le double de ce prix. Pour analyser cette hausse, nous devons nous tourner vers la situation difficile que traversent nos voisins.

En effet, l’Europe fait face à des incertitudes concernant sa production d’électricité. Pour ne citer que quelques exemples, la France est confrontée à des problèmes multiples concernant la maintenance de ses centrales nucléaires, dont elle est hautement dépendante. Elle était de plus un grand exportateur de cette électricité bon marché. L’Allemagne, à la suite de son abandon total du nucléaire, dépend du gaz et ouvre à nouveau ses centrales à charbon. L’Italie connait une dépendance très forte au gaz. Même le Royaume-Uni n’est pas en reste, les sécheresses enregistrées ces dernières années ont eu pour conséquence une faible production hydraulique de sa part.

Bien que les projections anticipent des plafonds moins astronomiques que cet hiver pour les prochaines années, cette situation risquera d’être toujours délicate en hiver 2024 (l’électricité s’achètera à 600 euros/MWh) et en hiver 2025 (300 euros/MWh). Vu la complexité de ces conjonctures, il est difficile d’estimer si la situation sera stabilisée en 2026.

Les prix au niveau du consommateur (entreprises et particuliers) ne dépendent pas directement de l’instant donné du marché de l’électricité. Il dépend plutôt de la stratégie adoptée par les fournisseurs concernant leur approvisionnement sur les marchés (achat et vente au bon moment, estimations, anticipations…), à laquelle s’ajoutent d’autres coûts comme celui du transport. L’augmentation du prix varie dans chaque commune en fonction de sa dépendance d’approvisionnement.

En somme, le casse-tête énergétique est loin d’avoir déployé toutes ses conséquences. Ce qui est certain en revanche, c’est que les politiques énergétiques européennes écologistes et anti-nucléaires ont entraîné une perte de souveraineté. La libéralisation du marché, intéressante quand les prix sont faibles, a également engendré une forte instabilité. La démagogie de ces politiques n’a pas permis un abaissement mondial des gaz à effet de serre, mais elles ont en revanche accéléré notre dépendance.

Notes:

1   Lire à ce sujet: https://www.strom.ch/fr/actualites/la-crise-des-prix-et-la-conception-du-marche

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