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Aide aux médias, c’est reparti pour un tour

Benoît de Mestral
La Nation n° 2219 27 janvier 2023

L’Office fédéral de la communication a chargé la Commission fédérale des médias de rédiger un rapport sur l’aide aux médias pour fin 2022. Ce rapport, d’une déconcertante brièveté, a été publié début janvier1; il propose un changement de paradigme considérable, sans s’attarder sur les détails d’une possible mise en œuvre. L’idée centrale: rendre l’aide aux médias technologiquement neutre.

Pour rappel, le financement des médias par l’Etat fonctionne actuellement comme ceci: la redevance radio-télévision prélevée annuellement par Serafe (anciennement Billag) se monte environ à 1,37 milliard de francs, dont 94% servent au financement de la SSR. Les 6% restants financent, à hauteur d’environ 30 millions les radios locales privées, et à hauteur d’environ 50 millions les chaînes de télévision régionales privées. En parallèle, la Confédération subventionne la distribution postale de la presse écrite, à hauteur de 20 millions pour la presse locale et régionale et 30 millions pour la presse associative et des fondations. La presse jouit en outre d’un taux de TVA réduit.

La Commission propose donc de refondre l’ensemble du système afin de ne plus différencier la presse écrite, les stations radios, les chaînes de télévision et les médias en ligne, et d’offrir à chaque entreprise éligible une aide adaptée à ses coûts. La conséquence la plus évidente de cette proposition est le changement de régime pour la presse écrite, qui commencerait à recevoir des aides directes. La Commission semble percevoir le danger puisqu’elle précise par deux fois que son système doit «être conçu en dehors de l’Etat», chose qui n’est pas évidente lorsqu’on parle d’impôts et de subventions étatiques. Pour réaliser ce paradoxe, la Commission propose de confier l’attribution des fonds à une fondation, une autorité de régulation externe à l’Etat, ou à un conseil consultatif. Mais qui nommera et paiera les membres de ces institutions? Peu importe le palliatif choisi, le résultat final reste que, plus ou moins directement, une majeure partie de la presse écrite serait financée directement par l’Etat.

Alors que le peuple a rejeté il y a moins d’un an le «train de mesures en faveur des médias», une réflexion de fond sur le sens de l’aide aux médias semblait s’imposer; les choses ne fonctionnent pas ainsi à Berne. Lorsque le peuple refuse une loi, la remise en question est malvenue, il faut recommencer le plus vite possible en espérant que ça passe au deuxième essai.

Le rapport comporte bien une section tentant de justifier l’existence de l’aide aux médias; sa lecture ne révèle pas de grande réflexion critique sur la question, bien plus une énième répétition des arguments entendus dans la campagne. Les médias vont mal (pourquoi? on ne se pose pas la question), or la diversité des médias est importante (mais est-ce une tâche de l’Etat que de la préserver?), donc l’Etat doit intervenir dans le marché (ne le fait-il pas assez avec la SSR, et cela n’est-il pas lié aux difficultés des médias?). Outre la question du financement direct et les épineuses question de liberté de la presse qui en découlent, la Commission propose de laisser l’Etat s’immiscer dans tous les organes de la presse. Il faudrait ainsi que l’Etat finance: la formation des journalistes, l’organe d’autorégulation (Conseil de la presse), une agence de presse, la recherche sur le marché du journalisme, les infrastructures de publication, les outils d’édition, les enquêtes menées par des journalistes sur certains sujets, et même les startups.

En somme, soit les médias privés font faillite et ne reste que la SSR, soit les médias privés sont «sauvés par les aides» et toute la branche dépendra indirectement de l’Etat. Peut-être la Commission pourra-t-elle préciser, dans un prochain rapport, par quel article de la Constitution fédérale elle imagine que le peuple et les cantons ont confié ce mandat à la Confédération.

Notes:

1   https://www.emek.admin.ch/inhalte/F_Papier_10.1.2023_FINAL.pdf

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