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Emeutes au Flon

Félicien MonnierEditorial
La Nation n° 2231 14 juillet 2023

Les émules lausanno-broyardes des émeutiers français arrêtées samedi 1er juillet au Flon avaient moins de 17 ans. Cela nous a rappelé ces pages des Sept Cavaliers où Raspail décrit l’effondrement d’un pays imaginaire à la suite d’une révolte des enfants de sa capitale.

Commençons par nommer le phénomène français. On hésite entre les termes de «guerre civile», dont Eric Zemmour a dit sur Europe 1 voir les prodromes; «sédition», qui suppose un embryon de comploteurs qui semble faire défaut; ou «insurrection» qui sied mieux aux Gilets jaunes qu’aux pilleurs de magasins et incendiaires de tramways.

Dans un remarquable entretien accordé au Figaro, l’ancien patron de la Direction générale de la Sécurité extérieure (DGSE) Pierre Brochand a parlé de «soulèvement ou révolte contre l’Etat national français d’une partie significative de la jeunesse d’origine extra-européenne présente sur son territoire»1.

Cette expression a l’avantage d’intégrer la contestation directe de l’Etat français qu’attestent les attaques de mairies et de commissariats de quartier, sans pour autant voir derrière elles un acte révolutionnaire. Les casseurs ne visaient pas le renversement du Président. Ils contestaient sa légitimité à leur envoyer sa police. L’expression de la révolte est grossière, sans autre programme que «Justice pour Nahel». Elle dit plutôt une volonté colérique de séparatisme qu’une intention de faire plier l’Etat sur un point précis de sa politique. Les tentatives aussi ridicules qu’irresponsables de récupération par La France insoumise n’ont pour le moment pas pris.

La responsabilité des politiques suisses et vaudois est d’observer avec la plus grande attention les événements français. Il s’agit d’éviter que les conditions sociales, culturelles et migratoires de tels soulèvements se trouvent également réunies au bord du Léman.

Une étape de cette réflexion sera d’interroger le profil psychologique et social des sept jeunes arrêtés au Flon il y a deux semaines. D’emblée nous récuserons l’idée soutenue par Pierre-Antoine Hildbrand dans 24 heures du 10 juillet selon laquelle, lorsque deux cents personnes se sentent autorisées à s’organiser pour attaquer des commerces un samedi soir au Flon, «on est juste dans une émeute consumériste». Difficile de ne pas voir derrière ces propos une volonté d’écarter d’autres explications.

Ce n’est pas parce que leur action n’exprime aucune revendication politique qu’elle ne témoigne pas de profondes aliénations, elles-mêmes politiques. Sans doute encore plus qu’une émeute révolutionnaire, une «émeute consumériste» a priori gratuite et à peu près spontanée exige de s’inquiéter en profondeur de l’univers mental des émeutiers, et de leur conception du monde. Tant le geste est en fait délirant. Posons quelques questions.

Par qui les apprentis émeutiers du samedi soir ont-ils été éduqués? Quelle est la structure de leur famille? S’ils sont étrangers, quel récit familial leur a-t-il été transmis sur la Suisse et le Canton? On se penchera sur leur univers culturel: les musiques qu’ils écoutent, les jeux vidéo auxquels ils jouent. On se demandera ce que leur apprennent leurs comptes Tik-Tok, Instagram, Snapchat ou Telegram.

Il faudra sonder leur rapport à l’autorité. Pour autant qu’il y en ait un, dans quel environnement religieux évoluent-ils? Quelle autorité, pour eux, est digne d’être écoutée et suivie? Il faudra se pencher sur l’orientation politique de leurs influenceurs fétiches. Tout cet univers constitue une véritable contre-culture à ce que l’école vaudoise ne parvient plus que péniblement à instiller dans certains endroits du Canton.

L’entourage de ces personnes sera à son tour passé au crible. Le Canton est riche. Cela l’autorise à mener une dispendieuse politique sociale. La Haute école de travail de santé de Lausanne (HETSL) forme les éducateurs. Nous la savons à la pointe du combat intersectionnel et woke. On se penchera sur le discours qu’elle sert à ses étudiants sur la police. Leur apprend-elle les bienfaits de la police de proximité? ou décrit-elle en long et en large, citations de militants-chercheurs américains à la clef, combien la police est fondamentalement raciste? Si tel devait être le cas, elle porterait une part de responsabilité dans les émeutes.

Chez nos voisins, beaucoup des émeutiers étaient français mais d’origine extra-européenne. Nous répugnons à envisager que des naturalisés soient moins suisses que d’autres. L’octroi du passeport impose à l’Etat un devoir de loyauté et de cohérence. Le nier reviendrait à affaiblir la portée autant symbolique que juridique de la nationalité suisse. Cela n’interdit pas d’envisager le risque d’une dissociation de la nationalité juridique d’une personne d’avec son incorporation culturelle et morale dans la communauté d’accueil. Ce risque se réalise lorsque les conditions de la naturalisation sont trop peu strictes. Le temps est aussi venu de vérifier que la pratique vaudoise en matière de naturalisation n’en est pas venue à ne découler que de l’appréciation mécanique de critères formels et sécuritaires, mais consacre bien, au contraire, une véritable assimilation.

Les réponses à ces questions permettront d’esquisser les réactions à apporter. Le Conseil d’Etat a décidé de placer sa législature sous l’angle de la cohésion sociale. C’est une première mais encore insuffisant étape. L’enjeu est l’unité nationale. A quelques kilomètres de chez nous, elle n’existe peut-être plus.

Notes:

1   «Pierre Brochand (ex-DGSE): Si nous en sommes là, c’est à cause d’une immigration de peuplement massive», Le Figaro du 6 juillet 2023, propos recueillis par Eugénie Bastié.

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