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Archéologie et politique

Sébastien Mercier
La Nation n° 2242 15 décembre 2023

Mme la députée Circé Fuchs-Barbezat, archéologue de formation, est venue nous présenter lors d’un Entretien du mercredi les liens entre l’archéologie et la politique dans notre Pays. Elle a choisi pour ce faire cinq épisodes marquants.

1) L’archéologie et le roman national (1848)

Les archéologues découvrirent au milieu du XIXe siècle la civilisation lacustre. Des sécheresses successives cumulées à la correction de cours d’eau permirent aux archéologues dans toute la Suisse de mettre au jour des objets et des pieux en bordure de nos lacs. L’engouement populaire fut total. Des sociétés d’archéologie naquirent. Il faut dire que cette civilisation lacustre (5’000-800 av. J-C) transmettait de nouvelles valeurs identitaires pour le peuple au temps de sa première constitution. L’histoire des Trois Suisses et de Guillaume Tell était déjà considérée comme un mythe en ce temps. Quant aux Helvètes, trop romains, inféodés à César, ils étaient de mauvais candidats pour constituer un roman national.

Les Lacustres furent rapidement source d’un avènement patriotique. Cet ancien peuple semblait démocratique (les vestiges retrouvés ne laissent pas penser à des différenciations de classes sociales). Ils semblaient simples, proches de la nature et représentaient toutes les zones du territoire helvétique. Ces îlots de palafittes avec leurs maisons sur pilotis avaient tôt fait de véhiculer un idéal de liberté face à l’extérieur en même temps qu’ils constituaient un symbole fédéral de l’intérieur. Aujourd’hui ils continuent à véhiculer leur image écologique et égalitaire.

2) Les premières législations (1897-1907)

Albert Naef (1862-1936), premier archéologue cantonal, commença à dresser l’inventaire des monuments historiques vaudois dès 1894. Le château de Chillon, dont il entreprit la restauration en 1897, l’occupa toute sa vie. Il est l’initiateur de la «Loi sur la conservation des monuments historiques et des objets d’art ayant un intérêt historique ou artistique» de 1898. Elle entraîna la mise en place d’un service archéologique toujours en fonction. Grâce à Naef, la Commission des bâtiments historiques fait du Pays de Vaud un précurseur en la matière. Le code civil suisse adopte, dès sa promulgation en 1907, un article sur les meubles et les immeubles à valeur historique. La même année, la Société suisse de préhistoire est créée, avec publication d’un annuaire sur les fouilles effectuées dans la Confédération (aujourd’hui Archéologie suisse).

3) Les fouilles d’Avenches

Entreprises par Louis Bosset, deuxième archéologue cantonal, elles servent de ciment à l’unité confédérale durant la Deuxième Guerre mondiale.

La découverte d’un buste en or unique au monde le 19 avril 1939 viendra apporter une dimension internationale à ces recherches. Une copie dudit buste fut d’ailleurs offerte par la Suisse à Mussolini. Dans un contexte politique favorable, il fallait que ce buste représentât Marc Aurèle (identification contestée): il est la figure de la Pax Romana et jouissait d’une excellente image, en philosophie comme en politique.

4) La deuxième correction des eaux du Jura (1962-1973)

Hans-Georg Baldi, vice-président de la Société suisse de préhistoire, archéologue cantonal de Berne et premier professeur de préhistoire d’université en Suisse, organisa un service intercantonal pour les fouilles, et assura la médiation avec le public et la communication avec le politique. Cela permit un financement important de la part de Cantons comme Fribourg et Neuchâtel qui comprirent l’importance de ces fouilles et institutionnalisèrent à leur tour l’archéologie. Il contacta également pour ce projet d’envergure Edgar Pelichet, le troisième archéologue cantonal vaudois.

La question du budget fit éclore une querelle par la suite récurrente: sur le million de francs alloué, 580’000.- furent versés pour la protection de la nature et 420’000.- pour l’archéologie. Cette concurrence improbable fut un frein important à l’obtention du budget pour les archéologues, dont les résultats des travaux auraient été évidemment différents avec un million de francs à leur entière disposition.

5) Aujourd’hui

En 2014, pour le projet d’une nouvelle route cantonale à Aclens, budgétée à 75 millions, un paquet de 5 millions était dévolu à l’archéologie. Mais là encore, 1 million de ce paquet lui fut retiré au profit de la conservation de la nature et de l’environnement. La question de la répartition des coûts devait être portée au Grand Conseil. Certaines villes, comme Orbe, Grandson ou Avenches, se retrouvaient avec des surcoûts difficiles à encaisser, du fait des trésors archéologiques découverts une fois la terre retournée.

Conscient de la problématique communale, le Canton accoucha de la LPrPCI le 30 septembre 2021. Elle prévoit que les frais de sondages et de post fouilles seront assurés par le Canton. De plus, ce dernier, en fonction du dossier, prend à sa charge 30 à 70% des coûts des fouilles. Voilà qui devrait éviter à un syndic de devoir grimacer si des trésors ressortent de sa terre. Et, l’objet appartenant ensuite à l’Etat de Vaud, il était bien légitime de sa part de mettre la main au portefeuille.

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