La mondialisation, une porte ouverte à tous les vents
Les Suisses ont appris avec étonnement que la fabrication de certains de leurs médicaments dépendait d’entreprises chinoises. Leur réaction a été une condamnation à peu près unanime de la mondialisation. Le calme revenu, ou plutôt l’activité reprenant, il faut s’attendre à un raz-de-marée de propositions constitutionnelles ou législatives tendant à assurer l’indépendance sanitaire de la Suisse. Certaines personnes, notamment dans les milieux libéraux, refusent toutefois de condamner la mondialisation, jugeant qu’elle a permis d’améliorer le niveau de vie général de la planète et celui des classes moyennes en particulier. Peut-être que oui, peut-être que non. A ce niveau de généralité, c’est difficilement démontrable.
Ce qui est sûr, en revanche, c’est qu’il est faux de penser qu’une politique méthodique d’échanges internationaux conduit fatalement à la mondialisation. Les deux processus ne sont pas de même nature.
Les échanges, intellectuels, économique, techniques, culturels, entre les Etats sont généralement utiles, parfois nécessaires. Ils augmentent leur maîtrise en les pourvoyant de toutes sortes de moyens qui leur manquent, matières premières, aliments de base, techniques de pointe. Ils stimulent partout l’esprit d’entreprise et d’invention. Un traité équilibré signé librement par des Etats souverains augmente l’autonomie et la diversité de chacun d’eux.
Le vice fondamental de la mondialisation est de négliger le rôle propre de la politique, qui est de faire valoir, en toute occasion, la primauté de l’intérêt à long terme de la communauté nationale tout entière. C’est notamment le cas lors de la signature, acte politique par excellence, d’un accord, qu’il soit de paix, économique, fiscal ou autre.
La mondialisation advient précisément quand on réduit le rôle de l’Etat à celui d’un facilitateur des échanges, d’un chef d’une gare de triage. Dans cette perspective, les traités et autres décisions de politique étrangère ne sont plus des composantes du bien commun, mais des actes officiels de renonciation à la souveraineté.
La mondialisation ne conduit pas les nations à plus de diversité et d’indépendance, mais à une perte d’autonomie sociale et politique (militaire, écologique, sanitaire, etc.), à une division internationale du travail appauvrissante, à un système planétaire de monoculture qui épuise la terre. C’est un mouvement général d’éradication: éradication de la souveraineté, des frontières et des droits positifs nationaux, des cultures, des coutumes et des mœurs, éradication de la notion même d’un bien commun national. La mondialisation est une porte ouverte à tous les vents, laissant passer, indifféremment, les pouvoirs économiques multinationaux, les flux migratoires, le grand banditisme international. C’est l’occasion de la refermer.
(Olivier Delacrétaz, 24 heures, 28 avril 2020)