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On nous écrit: Lavaux, vote populaire et cascade

Bertil GallandOn nous écrit
La Nation n° 1914 6 mai 2011
Vos vues sur Lavaux (La Nation du 8 avril 2011), j’en ai pris connaissance avec la sympathie qui nous lie, mon avis fût-il à l’opposé du vôtre. Chacun apprécie votre souci des faits précis et une sagesse teintée de bonhomie confiante. Mais celle-ci peut-elle nous rassurer face à une région bel et bien menacée? Vous minimisez l’impact de quelques constructions nouvelles, mais nous n’avons là que la pointe de l’iceberg. Plus de vingt projets sont recensés, non point des rénovations mais des bâtiments «conséquents» au stade du permis de construire. Considérez à quelle cadence se banalisera Lavaux les prochaines années! Les lecteurs savent-ils qu’en cette région qu’on croit préservée, marquée du sceau de l’Unesco, il reste, même réduites, bon nombre de zones à bâtir?

Les dispositions réglementaires officielles, d’hier et en projet, si tatillonnes qu’elles paraissent, sont une interprétation laxiste de la préservation solennelle prescrite dans la Constitution par une forte majorité populaire (Sauver Lavaux i et ii). Félicitons-nous dès lors que le Canton de Vaud se soit doté d’une arme juridique rarement utilisée et qui effraie apparemment l’establishment: l’initiative législative. Les citoyens peuvent requérir de dire oui ou non à une loi plus stricte, entièrement rédigée. L’initiative de 2009 (Sauver Lavaux iii) empêcherait le grignotage du précieux territoire. Elle a recueilli plus de 20’000 signatures, le double du nombre requis. J’estime scandaleux que les pouvoirs politique et judiciaire du Canton ne l’aient pas soumise aux urnes. Elle a été passée à la trappe. Retour donc à l’embrouillamini d’instances multiples qui profite aux malins. Le peuple, sans ce refus, aurait pu entendre votre camp et le mien développer chacun ses arguments et il aurait tranché. tout au contraire la Cour vaudoise de droit administratif et public a invoqué, pour empêcher ce vote, le «droit supérieur» de la propriété. Je m’étonne que des juges n’aient pas reconnu la qualité de «droit supérieur» à une protection rigoureuse et constitutionnelle de Lavaux dont le peuple, grâce à l’action de Franz Weber, reconnaissezle, a voté le principe par deux fois.

Le tribunal fédéral est saisi. Je souhaite qu’il donne raison à ceux qui ont lancé l’initiative législative car, comme le décrit Une heure en Lavaux, le petit livre des Editions Xenia, la confusion s’accroît, juridique, politique et dans le terrain. Les décisions sur le bâti prises par l’administration irritent tout à la fois vignerons, bâtisseurs et protecteurs. Au mille-feuille des organismes existants, le Conseiller d’Etat Mermoud veut ajouter une couche de plus, avec une nouvelle Commission consultative.

Elle ne résoudra rien. Elle sera composée et régie de manière à majoriser les protecteurs, porte-parole d’une majorité populaire. Vous-même, tout comme M. Mermoud, aimez l’idée de raviver le pouvoir des communes, qui ne rêvent que de ça, mais comme il s’agit d’un territoire absolument exceptionnel de notre patrimoine, ne craignons pas d’être clairs. A son égard et considérant la pression qui pèse sur tous nos paysages, il importe qu’une volonté politique se réaffirme à l’échelle du Pays de Vaud. Les constructions admises en Lavaux doivent être définies selon une loi votée souverainement par le peuple.

Les communes au cours des années n’ont certes pas manqué de mérite, mais s’il leur fut aisé de décider une protection absolue du Dézaley, vignoble réputé et superpentu, elles ont maintes fois cédé aux constructions malencontreuses sur les marges. toute banalité acceptée en appelle d’autres et dégrade l’ensemble de la région. Les villages et hameaux, silhouettes caractéristiques qu’on vient du monde entier admirer dans les vignes, peuvent demain être défigurés. A l’égard des habitants, et de leur part aussi, un effort commun devrait tendre à introduire avec astuce et prudence dans la masse du bâti traditionnel les nouveaux espaces de vie qu’ils souhaitent et que vous évoquez.

Mais déjà nous n’en sommes plus aux décisions usuelles des organes communaux. Nous observons aujourd’hui la montée du pouvoir des experts, professionnels du paysagisme, du tourisme, de la promotion économique, de l’écologisme, qui croient dominer la confusion des intérêts par la technicité. On les engage. Pour eux on débloque des crédits à des hauteurs qui font tousser les vignerons. Vous citez l’aménagement du Forestay? Parlons-en.

Cette discrète cascade de Rivaz, au débit variable, est la seule sur tout le pourtour du Léman à bondir vers le lac en plein vignoble entre des rochers sous un dais de verdure. C’est un bijou paysager. Bravo pour la suppression d’une verrue qui déparait ce lieu méconnu! Rivaz a démoli les moulins mastoc, en aval, entre route cantonale et ligne du Simplon. Mais regardez mieux, je vous prie, ce qu’est devenue la petite gorge dans sa verticalité sauvage, comme une peinture chinoise! Elle a été «mise en valeur» par un parking. Un chemin aurait dû conduire à un petit parc. Spécialistes de l’aménagement et commission spéciale ont préféré «exploiter le site». Vous applaudissez qu’à côté de la cascade on ait coincé le Vinorama, parallélépipède rectangle pour la promotion de nos crûs. «Réussite architecturale», écrivez-vous, «parfaitement intégrée au site». Les bras m’en tombent. Absurdement placée, même du point de vue de l’accès! On a cherché, c’est vrai, à camoufler cet attentat contre le site naturel par une installation artistique. Elle serait belle ailleurs.

Coût annoncé de la chose: 12 millions. Je comprends le dépit du vigneron qui souhaitait refaire son mur de vigne en pierres et, ne recevant aucune aide à son niveau, a dû choisir à contrecoeur le béton.

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