Occident express 57
A l’occasion du huitième centenaire de la constitution de l’Église autocéphale serbe, le président de la république a reçu l’ordre de saint Sava des mains du Patriarche Irénée. Plusieurs évêques se sont publiquement déclarés contre la «politisation» de l’événement – qu’ils ont ainsi inaugurée. Un écrivain, nettement nationaliste, issu de l’Académie a refusé tout aussi publiquement de livrer un discours lors d’une cérémonie pourtant plus-nationaliste-que-ça-tu-meurs. A cela toute une frange de la société serbe se réjouit bruyamment. Quel bras d’honneur contre ce président qui ne mérite selon eux que l’opprobre et le mépris outré. Pourquoi? Parce qu’il n’exécute pas son mandat comme eux le désirent. On ne dira pas que ce président est un parangon de vertu politique, tant s’en faut. Mais qu’il reçoive une distinction lors d’un anniversaire qui marque l’unité et la continuité séculaires de la nation serbe devrait paraître naturel. Lui ou un autre, c’est le président qui est dépositaire de cette distinction, au nom de la nation. Pareillement, il n’est pas demandé aux académiciens de déposer un bulletin de vote, mais d’exécuter les exigences de leur fonction. Pas en Serbie. Car ici, la démocratie fonctionne selon des critères qui échappent aux conceptions occidentales. Ici, le résultat des urnes n’est qu’une des variables d’ajustement de la coexistence de ce peuple avec lui-même. La fonction d’élu n’y prémunit pas contre l’absence totale de respect et de considération publique, on ne respecte pas la personne ou l’élection de la personne: on ne poursuit férocement qu’un but unique (souvent lié au Kosovo et à son illusoire réintégration dans la maison-mère) qui justifie absolument tous les sacrifices immédiats, au détriment bien sûr de ses propres intérêts. En Suisse, pays qui s’est construit dans la paix et sous le regard bienveillant de ses grands voisins, de telles considérations sont totalement incompréhensibles. On y vote, non pas pour poursuivre un but précis, mais pour respecter besogneusement le contrat. Force est de constater que ça n’a pas été un désastre complet jusqu’à présent. Quiconque est élu exécute son mandat puis s’en va, tous ces blancs bonnets et bonnets blancs d’un vaste tour de passe-passe électoral qui commence toutefois à montrer des signes évidents de fatigue. Car rien n’est parfait: les uns sont passionnels et claniques, les autres timorés et littéraux. Ici comme ailleurs en effet, le jeu démocratique tel qu’il se joue depuis 150 ans a vécu. Le maigre avantage de la Serbie étant de n’y avoir jamais véritablement joué.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Un bouquet de souverainetés – Editorial, Olivier Delacrétaz
- La presse qui ne mourra pas – Félicien Monnier
- Énigme villageoise – C.
- Anthologies – Daniel Laufer
- Le but de notre carrière… – Jean-Michel Henny
- Lu dans la presse – Revue de presse, Rédaction
- Le droit effectif d’être entendu – Jean-François Cavin
- Droit naturel et positivisme juridique – Denis Ramelet
- La transsexualité imposée aux plus jeunes – Jean-François Pasche
- Référendum et traités internationaux – Antoine Rochat
- La «grippe espagnole» et l’œuf de Colomb – Jean-Philippe Chenaux
- Occident express 56 – David Laufer
- Les mouroirs flottants – Bertil Galland
- Proverbiale efficacité – Lionel Hort
- L’affaire des drapeaux tibétains – Félicien Monnier
- Crise sanitaire: l’Union européenne s’en lave-t-elle les mains? – Lionel Hort
- Lu dans la presse – Rédaction
- La petite Antigone et le philosophe – Jacques Perrin
- Oui… non… ne sait pas… – Olivier Delacrétaz
- L’animal est la mesure de toute chose – Le Coin du Ronchon