La Suisse accusée
En janvier de cette année, le «Groupe de travail d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine» s’est exprimé sur le racisme des Suisses. Ces experts n’étaient pas les premiers: en 2006, M. Doudou Diène, rapporteur spécial de l’ONU, déclarait que la Suisse connaissait «une situation de xénophobie, de racisme et de discrimination». Il affirmait encore, non sans ambiguïté: «Les Noirs sont les plus grandes victimes du racisme: j’ai visité un centre de détention à Bâle. Je n’y ai trouvé que des Africains.»
Le Groupe de travail a radicalisé l’approche onusienne du racisme. Sur la base d’une brève visite, il s’est jugé assez informé pour dénoncer l’omniprésence du racisme chez les Suisses, ainsi qu’«une forte propagation du racisme anti-Noir». Leur rapport complet est annoncé pour cet automne.
Accueilli par 24 heures1, M. Pierre Aeppli, ancien commandant de la police cantonale vaudoise, a démonté le mécanisme accusatoire. On choisit un fait (en l’occurrence un Noir tué à Morges par des policiers qu’il menaçait). On le présente, sur le ton de l’évidence et sans tenir compte du fait qu’une enquête est encore en cours, comme un symbole des violences policières, comme une preuve supplémentaire du racisme des Suisses et comme une illustration de leur «culture du déni». Ensuite, on exige la fin de l’«impunité» des forces de l’ordre, la création d’institutions chargées d’éduquer les Suisses à la non-discrimination et la mise en œuvre, urgente bien entendu, d’une politique antiraciste digne de ce nom. On exige enfin que des personnes d’ascendance africaine soient associées à l’élaboration de cette politique.
Le Groupe de travail affirme encore que la richesse moderne de la Suisse est «directement liée à l’héritage de l’esclavage». Qu’il ait proféré cette accusation imbécile est au fond une bonne chose. Son absurdité même met en lumière la réalité de son mandat: il s’agit de faire une tournée des Etats du monde – en l’occurrence, la Confédération – dans le but de leur appliquer, bon gré, mal gré, la théorie standard du racisme systémique. On trouvera toujours, dans chaque Etat, quelque affaire douteuse à laquelle rattacher l’acte d’accusation, qu’on pourra ensuite étendre et généraliser à loisir.
Nous avons parlé du racisme systémique il y a quinze jours. Nous n’allons pas recommencer, si ce n’est pour signaler que cette théorie engendre une théorie complémentaire, celle de la «victime systémique». Même s’il entretient des rapports amicaux avec les Blancs qu’il connaît, le Suisse noir, comme le Noir étranger vivant en Suisse, est tenu de se considérer comme une victime. Il le doit par solidarité avec ses frères de couleur. De même, il doit considérer a priori toute relation avec les Blancs comme un faux-semblant, une pièce du dispositif séculaire qui assure leur domination. On ne s’y prendrait pas autrement si l’on voulait susciter, de l’extérieur, la dissension à l’intérieur de la Confédération. De plus, on le fait sur la base de considérations raciales – en ce qui concerne les Noirs – et racistes – à l’égard des Blancs.
C’est ainsi que l’organisation dite «des Nations Unies» étend son influence au détriment de l’union interne des nations. Téléguider en Suisse ces personnes2 ignorantes de la réalité fédérale et malveillantes par principe est, de sa part, un acte «directement» inamical.
On attendrait des autorités fédérales qu’elles réagissent et rappellent qu’en Suisse, la police est l’affaire des cantons, que la justice n’a pas fini de s’intéresser à l’affaire de Morges et surtout que la Suisse a intégré sans beaucoup de problèmes un nombre considérable de personnes et de familles d’autres pays et d’autres continents.
Peut-être que le Conseil fédéral concentre toute son attention sur son entrée prochaine au Conseil de sécurité de l’ONU où il pourra enfin dire tout haut ce que tout le monde dit tout haut et, peut-être, se faire pardonner sa trop durable neutralité? Dans ce cas, ce n’est pas le moment de faire des vagues en défendant la réputation des Suisses contre les «experts» du sérail.
Notes:
1 «Racisme systémique ou manipulation systématique?», Pierre Aeppli, 24 heures du 9 mars dernier.
2 On en apprendra davantage sur elles en visitant le site onusien https://www.ohchr.org/fr/special-procedures/wg-african-descent.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Souveraineté: du singulier au pluriel – Editorial, Félicien Monnier
- Les sanctions ne sont pas neutres – Olivier Klunge
- La beauté hors du temps – Jean-François Cavin
- Pourquoi Dieu est-il Père et non Mère? – Denis Ramelet
- Les deux romans de Raymond Radiguet – Lars Klawonn
- David Zelensky contre Vladimir Goliath? – Edouard Hediger
- Un oratorio d’aujourd’hui – Jean-François Cavin
- Les communes vaudoises: une diversité à préserver – Yves Gerhard
- L’individu tyran et ses gadgets selon Eric Sadin – Jacques Perrin
- Socialisme de proximité – Olivier Klunge