Mort aux vaches!
Les paysans, du moins ceux qui cultivent davantage que cinq mètres carrés de rutabaga bio, et plus encore ceux qui exploitent nos égaux les animaux pour produire de la viande (ou même simplement du lait ou des œufs), sont de plus en plus méprisés par les populations urbaines, modernes et éclairées, habituées à leurs potagers collectifs autogérés. Les paysans qui s’obstinent à produire et à vendre leur production – ah les odieux mots! – sont ainsi pointés du doigt comme des pollueurs rétrogrades et bornés, comme des survivances du passé qui tuent la nature et surchauffent la planète. A défaut de les exterminer, il faudrait au moins les empêcher d’exercer leur métier et les forcer à devenir de braves jardiniers du paysage, entretenus par l’Etat pour créer une nature rigoureusement conforme à l’idée que s’en font les habitants des villes lorsque ces derniers y viennent le week-end.
Depuis des années, un réseau tentaculaire d’organisations, de publications, de sites internet s’est mis en place pour distiller ces messages dans la population, constamment et patiemment. Ces efforts portent leurs fruits: en peu de temps, les théories extrémistes professées par quelques militants hirsutes sont devenues un courant de pensée largement répandu dans la population. Dans quelles proportions? Nous en aurons une idée le 25 septembre prochain, lorsque l’initiative contre l’élevage intensif sera soumise au vote populaire (cette initiative a été présentée en détail dans La Nation du 17 juin dernier).
Mais le wokisme anti-agriculteurs se développe aussi dans d’autres pays, et de manière plus brutale, comme on le voit maintenant aux Pays-Bas. Les médias nous expliquent, en des termes admirablement sibyllins, que la colère des paysans hollandais est motivée par des «projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre». Lorsqu’on lit les petits caractères en fin d’article, on découvre qu’il s’agit en réalité de réduire l’élevage de bétail de 30%! (C’est un peu comme si on nous présentait un «projet visant à réduire la surconsommation de papier», en expliquant très discrètement que cela exigerait une diminution de 30% de la presse écrite.)
Tout ça parce que les vaches, non contentes d’émettre du méthane, produisent aussi de l’azote lors de leurs déjections. On dit que l’homme détruit la planète, mais en réalité ce sont les vaches qui la rendent invivable. Et ce sont donc elles qui sont les véritables cibles des climato-angoissés – les agriculteurs n’étant ici que des victimes collatérales. Cela ressemble à une plaisanterie, mais ce n’en est pas une: les écologistes s’attaquent désormais réellement et explicitement aux produits laitiers. Il est à craindre que tous nos chocolats, nos fromages et nos yogourts, en attendant leur ultime interdiction, portent désormais de grandes et sévères mises en garde: «Le lait tue.»
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La mobilité comme un miroir – Editorial, Félicien Monnier
- Chronique historique – Antoine Rochat
- L’énergie des Vaudois: état des lieux – Cédric Cossy
- «En même temps» – Jean-François Cavin
- Sonnet de la brosse et du balai – Daniel Laufer
- Un cher et fidèle Confédéré – † Roberto Bernhard (1929-2022) – Olivier Delacrétaz
- Occident express 103 – David Laufer
- Zoologie frontalière – Benoît de Mestral
- Chronique sportive – Antoine Rochat
- Soldats contre guerriers: les volontaires dans les armées – Edouard Hediger