Pic de valeurs
Il est impossible d’ouvrir un journal sans tomber sur le mot valeur. De gauche ou de droite, dédiée à l’information ou au divertissement (est-ce bien différent?), la presse prône les valeurs. L’été nous a gratifiés de pics de chaleur, la guerre en Ukraine nous sert des pics de valeurs, étant entendu que ce pays défend en première ligne nos valeurs démocratiques.
Voici un petit choix d’occurrences du mot parmi les dizaines repérées dans les journaux, au début du mois d’août:
• Les policiers et policières transmettent à leurs enfants les valeurs qui les animent: la solidarité, le courage, le respect. Faire un testament en faveur d’Orphéopolis, c’est transmettre des valeurs aux orphelins des policiers.
• Eric Piolle (maire de Grenoble) est resté fidèle aux valeurs du christianisme, quoiqu’ ayant perdu la foi de son enfance.
• Des études sur les valeurs comme le European Values Studies, analysées pour la France par des chercheurs de Science-po à Grenoble, montrent que des préoccupations comme l’autorité ont gagné l’ensemble des Français depuis plusieurs décennies.
• Julien Pidoux, chef d’édition de Femina, queer, intéressé par les droits des LGBTIQ+, se demande souvent jusqu’à quel point nous devrions, avant de réserver notre billet de train ou d’avion, faire le point sur nos valeurs, celles que nous estimons comme non négociables. Et celles sur lesquelles nous pouvons momentanément tirer un trait, le temps d’un voyage et de quelques clichés léchés pour Instagram.
• Le pèlerin retrouve des valeurs souvent négligées: fraternité, solidarité, partage, hospitalité, respect de la nature. Le pèlerinage est un conservatoire ou un laboratoire de valeurs en mouvement. Au retour, l’enjeu est de pouvoir vivre et incarner au quotidien les valeurs trouvées sur la route.
• Grâce à l’atelier Slow ta carrière, on apprend à gérer le décalage avec les valeurs de son entreprise. Il s’agit de trouver une zone de confort en équilibrant vision du monde, valeurs et faits scientifiques. Quel monde on construit quand on travaille? Les personnes veulent retrouver cohérence et alignement à leurs valeurs.
• Un jeune agriculteur vaudois déclare: j’aime l’aspect de transmissions de valeurs qu’ont les Jeunesses campagnardes. Que ce soit au niveau du respect, du social ou du travail, on apprend tellement. Le giron du Pied du Jura, c’est social, sportif, ce sont des valeurs qui me correspondent.
• 10% des gens souhaitent vivre au milieu de personnes qui leur ressemblent, avec qui ils partagent des valeurs et des horizons communs.
• D’anciens militaires français veulent se battre contre les Russes avec les Ukrainiens, comme ce Finistérien de 57 ans, interviewé par France 3 Bretagne, déterminé à défendre ses valeurs et à arrêter Poutine.
On nous dira: mais qu’avez-vous donc contre les valeurs? Vous n’aimez pas la liberté, l’autorité, la solidarité, le sport? C’est l’exhibition de grands mots abstraits que nous n’aimons pas, censés témoigner de la haute qualité morale des gens qui en abusent. Nous impressionnent davantage un acte courageux, un don discret à une personne dans le besoin, une manifestation de fair-play sur un court de tennis en lieu et place d’une raquette brisée, un choix libre adapté à une fin bonne.
L’usage excessif d’un mot indique seulement que ce à quoi il se réfère fait défaut. S’il est tant question de valeurs, c’est que tout est équivalent, que l’indifférence règne. Pourquoi? Nous y reviendrons.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La dépossession de trop – Editorial, Félicien Monnier
- Elevage intensif: votez NON le 25 septembre – Félicien Monnier
- Les armoiries de la Ligue vaudoise – Yves Gerhard
- Se préparer au krach? – David Verdan
- Velléité – Jean-François Cavin
- Le modèle abandonné – Olivier Delacrétaz
- Un camp scout fédéral mémorable – Antoine Rochat
- Oui à la réforme AVS 21 – Pierre-Gabriel Bieri
- L’énergie des Vaudois - La Conception cantonale de l’énergie – Cédric Cossy
- Chronique sportive – Antoine Rochat
- On ne sait ni si ni quand – Le Coin du Ronchon