Le programme de législature
Après plusieurs législatures d’un gouvernement de centre-gauche auquel on doit la socialisation rampante du Canton, le renversement de majorité allait-il favoriser un revirement de la politique vaudoise? La lecture du programme de législature, modérément encourageante, laisse toutefois des sentiments mélangés.
Une pléthore de bonnes intentions
Au fil des chapitres, ce document énumère les «actions» que le Conseil d’Etat entend mener à bien. Nous en dénombrons 227. La plupart correspondent à des préoccupations légitimes. Mais 227! Il faut voir que ces «actions» doivent être entreprises en plus de la gestion courante. On est saisi de vertige. Et aussi d’une certaine frayeur, car il est vraisemblable que des forces supplémentaires sont nécessaires pour accomplir le travail; cela promet une nouvelle enflure administrative.
Il conviendrait d’élaguer. Par exemple, les arts et les lettres vaudois ne se porteraient pas plus mal si l’Etat renonçait à promouvoir, par sa propre action, l’économie créative et l’innovation au service de l’art et de la culture afin de concrétiser l’existence d’un pôle économique stratégique cantonal en matière de culture.
Un canton durable
Le texte gouvernemental sacrifie largement à la mode. Bien sûr qu’on ne peut éluder le soin de l’environnement et ignorer les caprices du climat. Mais cela tourne à l’obsession. Nous avons repéré plus de cinquante fois les mots durable et durabilité. On constituera un pôle de croissance durable pour favoriser le développement d’une économie durable. On adoptera une politique d’investissement durable. Au chapitre de la mobilité durable, on favorisera un transport des marchandises durable (?). Adepte d’un tourisme durable et d’une alimentation durable, le gouvernement veut même prendre des mesures contribuant à la durabilité de la culture. Le Pays de Vaud, qui dure depuis des siècles, n’a pas forcément besoin de tant de vitamines durables, administrées ad nauseam.
Mais le programme est imprégné du vocabulaire du moment. On y trouve naturellement la résilience, la société inclusive et même l’objectif de consolider un écosystème culturel.
Des zones d’ombre
Si détaillé soit-il sur de nombreux sujets, le programme reste énigmatique sur des points importants. La planification quinquennale repose forcément sur une hypothèse démographique, mais on ne sait pas vraiment laquelle. Les perspectives financières ne précisent pas clairement l’évolution prévue du PIB vaudois, ni le niveau de l’inflation. La politique du personnel n’est que vaguement évoquée; on ne sait pas comment les effectifs devraient évoluer. Ces incertitudes rendent l’appréciation des perspectives financières assez difficile.
Vers un redressement?
C’est quand même du côté des finances que proviennent de bonnes nouvelles. Car le Conseil d’Etat annonce la double intention d’augmenter les investissements et de baisser les impôts. La situation financière enviable de l’Etat le permet. Les investissements qui montent à 300-400 millions (part cantonale) depuis quelques années, passeraient à environ 500 millions annuels. Quant aux impôts sur le revenu et la fortune, ils seraient enfin un peu tempérés, au prix d’une baisse de rendement de près de 200 millions (les 250 millions d’allègements annoncés par le Conseil d’Etat comprennent des mesures déjà prévues dans d’autres domaines de la fiscalité). Cela ne suffira pas à ramener la fiscalité vaudoise à un niveau compétitif en regard des autres cantons, comme le demande l’initiative populaire des organisations économiques; mais après tant d’années de blocage, on respire un peu. C’est un des éléments qui donnent une teinte de centre-droite à ce programme; un autre est que parmi les 227 «actions» envisagées, aucune ou presque ne vise une croissance des prestations sociales, qui ont atteint un niveau record sous l’empire du régime rad-soc.
On dit que les grands navires, pour modifier leur course, ont besoin de beaucoup de temps et d’une longue distance de navigation. Le paquebot de luxe qu’est l’Etat de Vaud semble amorcer la manœuvre; espérons que, avec l’aide extérieure d’utiles remorqueurs, il mettra résolument le cap sur une sobriété durable.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Enthousiasme opiniâtre – Editorial, Félicien Monnier
- Occident express 106 – David Laufer
- Oberman, l’inachèvement sans cesse – Jean-Blaise Rochat
- Roméo et Juliette de Berlioz – Frédéric Monnier
- L’homme de la com’ – Olivier Delacrétaz
- † Pierre Rochat: un grand serviteur (1928-2022) – Daniel Laufer
- Un éclairage inattendu – Jacques Perrin
- Un procédé inadmissible – Jean-François Cavin
- Pour un boycott intégral de tout – Le Coin du Ronchon