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Imposition individuelle des familles: problèmes pratiques

Olivier Klunge
La Nation n° 2220 10 février 2023

Le projet du Conseil fédéral d’imposer individuellement les membres d’un couple marié est fondamentalement erroné en termes sociétaux et fiscaux. Il ne résout pas le problème de la discrimination fiscale induite par le mariage1.

Ce projet présente aussi des problèmes pratiques démesurés et une charge bureaucratique disproportionnée.

Par exemple, si un couple acquiert un logement commun, il faudra déterminer avec précision quel conjoint aura apporté quel montant et s’il a effectué un prêt, rémunéré ou non, ou une donation à l’autre époux. Si l’un des conjoints a seul financé l’acquisition du logement, la valeur locative lui sera-elle imposée à lui seul, alors que l’autre conjoint occupe gratuitement ce logement? Il faudra encore vérifier chaque année que les rapports n’ont pas évolué selon les travaux, renouvellement d’hypothèque et amortissement effectués. Le rapport du Conseil fédéral est nettement plus disert sur le traitement actuel de ces questions que pour le traitement futur envisagé…

Les tribunaux et les avocats connaissent d’expérience la difficulté de liquider le régime matrimonial lors d’un divorce. Les contribuables pourront désormais s’y égayer chaque année.

Par ailleurs, au lieu de considérer chaque famille comme un seul contribuable, le fisc devra en traiter deux, soit 1,7 million de dossiers fiscaux supplémentaires selon le Conseil fédéral. La réforme, pour être conséquente, devrait de plus permettre aux enfants, qui sont aussi des individus avec des droits fondamentaux protégés par des conventions internationales, de remplir une déclaration fiscale, sans tenir compte des moyens de leurs parents.

La complexité de l’imposition individuelle de chaque époux imposera donc l’engagement de nouveaux fonctionnaires, comme l’augmentation des tracasseries administratives pour les contribuables mariés. Il est piquant que ce soit le PLR qui plaide pour cette solution, alors que la lutte contre la bureaucratie est son cheval de bataille.

Jusqu’au bout de la logique

Une imposition individuelle conséquente, soit faisant entièrement fi de la communauté familiale et des solidarités qu’elle entraîne, impliquerait d’appliquer ce principe dans d’autres domaines administratifs. L’époux qui a renoncé à travailler pour s’occuper du foyer devrait alors se voir octroyer les subsides pour contribuable modeste et l’aide sociale, même si son épouse est directrice générale d’une régie publique.

A la retraite, chaque époux devrait recevoir une rente AVS selon ses cotisations, alors que le projet se garde de toucher au principe de la rente de couple qui désavantage encore les couples mariés par rapport aux concubins.

A la charge des cantons

L’impôt fédéral direct est perçu par les autorités fiscales cantonales sur mandat de l’Administration fédérale des contributions. Le projet du Conseil fédéral prévoit d’imposer aux cantons l’imposition individuelle pour leurs impôts également, alors qu’aucun ne la pratique aujourd’hui. Ce seront donc les administrations cantonales qui supporteront la charge bureaucratique induite par le projet fédéral.

Il est choquant que le rapport du Conseil fédéral ne s’intéresse pas à chiffrer ce coût de perception qui sera sans doute élevé, d’une part par l’explosion du nombre de contribuables et d’autre part par la complexité du contrôle des relations financières entre époux, qui auront désormais un impact fiscal important.

Notes:

1   Cf notre article dans La Nation, n° 2218, 13.01.2023.

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