Les sociétés d’étudiants suisses à l’honneur
Il s’agit de la première étude historique générale sur le sujet. Réalisée par quatre auteurs membres d’Helvétia, mais adoptant une vue d’ensemble, Les sociétés d’étudiants, une contribution à l’histoire de la Suisse1, de MM. Auberson, Gex, Künzler et Meuwly, paraît parallèlement à une étude sur l’Helvétia vaudoise sortie pour son 175e anniversaire, et complète les travaux récents d’O. Meuwly sur l’histoire de l’Etat fédéral et de sa constitution2.
Le livre traite du monde associatif, politique et académique suisse des deux derniers siècles. Il montre l’influence du modèle humboldtien – liberté académique et responsabilité de l’étudiant – sur le monde universitaire du XIXe siècle, peu développé à l’époque à l’exception de Bâle. La sociologie universitaire d’alors, élitaire, est indissociable des premières formes de sociabilité estudiantine: sociétés gymnasiales, académiques et de tir ou encore de gymnastique.
Le livre étudie en détail le lien entre courants politiques et appartenance aux sociétés d’étudiants. On ne s’étonnera pas de la primauté donnée, dans cette partie, aux bâtisseurs de l’Etat fédéral moderne: les centralisateurs libéraux de Zofingue et leurs petits cousins helvétiens aux tendances patriotardes (et maçonniques) plus prononcées. Du côté du «ghetto catholique» est relevée l’importance pour le conservatisme suisse de la Société des étudiants suisses (SES).
Le rôle des sociétés portant couleurs dans la vie culturelle est aussi à l’honneur dans l’ouvrage. Pour les cantons francophones, sont évoqués le premier prix littéraire suisse encore distribué – le «Rambert» zofingien –, ou l’impact, avant et après-guerre, des Bellettriens lausannois et de leurs amis (André Gide, Igor Stravinsky) pour le monde des lettres romandes, du théâtre au journalisme.
Des points de détails, parfois traités en encadré, font aussi le sel de l’ouvrage. La Ligue vaudoise est mentionnée lorsqu’il est question d’évoquer la passagère diffusion des idées maurassiennes chez Zofingue Vaud et Belles-Lettres Lausanne et Neuchâtel au début du XXe siècle. Les recherches en archives permettent également de mettre en lumière les liens plus ou moins distendus de certaines personnalités avec leur passé sociétaire, au-delà de ce qu’elles ont bien voulu en dire elles-mêmes, telles que C. F. Ramuz ou Jean Ziegler.
Les auteurs sont lucides sur l’avenir des sociétés d’étudiants à une époque où les possibilités d’engagements associatifs et de divertissements ouvertes aux étudiants n’ont jamais été aussi nombreuses, à l’intérieur et à l’extérieur de l’université. Sa partie conclusive traite du déclin des sociétés d’étudiants autour de 1968, mais aussi de leur capacité au rebondissement et à la réinvention. En témoigne la persistante vitalité du milieu sociétaire actuel que de nombreux jeunes gens de notre mouvement continuent d’animer.
Notes:
1 Presses polytechniques et universitaires romandes, Lausanne, collection «Savoir suisse», 158 p.
2 Nous avons parlé du second dans La Nation n° 2228 du 2 juin 2023, et nous parlerons prochainement du premier dans ces colonnes.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Les partis et notre cambouis – Editorial, Félicien Monnier
- Transparence: illusions et désillusions – Pierre-Gabriel Bieri
- Maman bureautique – Jacques Perrin
- Une célébration du monde ouvrier – Jean-François Cavin
- Pépites chorales – Frédéric Monnier
- Cher Alain… – Olivier Delacrétaz
- La biodiversité victime de l’écologie – Olivier Klunge
- Les enfants du major Davel – Jean-François Cavin
- L’occidentalisation ne résout rien – Jacques Perrin
- Occident express 117 – David Laufer
- Entre un monde où tout va trop mal et un autre où tout va trop bien – Le Coin du Ronchon