Entre un monde où tout va trop mal et un autre où tout va trop bien
Le monde va mal. Si vous écoutez les journalistes, si vous écoutez les politiciens de gauche, si vous écoutez les politiciens de droite, si vous écoutez les locataires ou les propriétaires, si vous écoutez les patrons ou les salariés, si vous écoutez vos voisins, vous savez que le monde va mal. Des guerres éclatent un peu partout, il fait trop chaud en été et pas assez froid en hiver, il pleut quand on a besoin de soleil et il fait beau quand on a besoin d’eau, le coronavirus revient. Les prix augmentent, les loyers s’envolent, les coûts de la santé explosent et les salaires stagnent. Les gens sont malheureux et angoissés. etc.
Face à ce monde catastrophique, certains plaisantins voulant se donner des airs de vieux sages lâchent cette petite phrase que nous avons tous entendue déjà mille fois: «Je veux aller vivre en théorie, car en théorie tout se passe bien.» La première fois, nous avions trouvé cela amusant.
Il y a pourtant un endroit dans le monde où tout est toujours merveilleux et où tout le monde – journaliste, politicien, locataire, propriétaire, patron, salarié – est toujours heureux. C’est le réseau social LinkedIn.
Lisez ce que les gens y publient. Ils se déclarent systématiquement heureux et fiers de leurs réussites professionnelles, chanceux d’avoir pu participer à tel ou tel colloque, honorés d’avoir pu poser en photo avec telle ou telle personnalité. Les manifestations auxquelles ils participent sont invariablement de grands succès et les rencontres qu’ils font sont inexorablement enrichissantes et surtout inspirantes. Mettez une coche chaque fois que vous rencontrez l’adjectif «inspirant» … L’inspiration n’est pourtant pas la première qualité qui saute aux yeux à la lecture de cette prose convenue. Mais au moins, sur les photos qui l’illustrent, chacun affiche un sourire radieux, éclatant, comme si on allait vous vendre une nouvelle pâte dentifrice. Au moins les gens semblent heureux.
A défaut de pouvoir aller vivre en théorie, il nous reste heureusement le monde réel, qui n’est ni aussi sombre que dans les conversations des gens, ni aussi doré que sur LinkedIn.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Les partis et notre cambouis – Editorial, Félicien Monnier
- Transparence: illusions et désillusions – Pierre-Gabriel Bieri
- Maman bureautique – Jacques Perrin
- Une célébration du monde ouvrier – Jean-François Cavin
- Les sociétés d’étudiants suisses à l’honneur – Lionel Hort
- Pépites chorales – Frédéric Monnier
- Cher Alain… – Olivier Delacrétaz
- La biodiversité victime de l’écologie – Olivier Klunge
- Les enfants du major Davel – Jean-François Cavin
- L’occidentalisation ne résout rien – Jacques Perrin
- Occident express 117 – David Laufer