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Aspects de l’étatisation progressive de la société dans le canton de Vaud

Jean-Hugues Busslinger
La Nation n° 2255 14 juin 2024

On a vu (La Nation N° 2254 du 31 mai 2024) certains aspects de l’étatisation progressive de la société sur le plan fédéral, en particulier ceux des effectifs de la fonction publique et des salaires versés dans les administrations. Dans le Canton de Vaud, on constate aussi que la progression des effectifs de l’administration est constante depuis des années et se révèle supérieure à l’augmentation de la population. Ainsi pour 2024, les effectifs demandés par voie budgétaire s’accroissent de 471,5 équivalents temps plein (ETP). Cela représente une progression de 2,5% pour atteindre 19’657 ETP, le CHUV, l’Université de Lausanne, les Hautes écoles, les ORP et Plateforme 10 n’étant pas inclus dans le total, ni d’ailleurs le parapublic (EMS notamment). En 2023, l’augmentation avait été de 424,44 ETP (+2,3%) et en 2022 de 493,8 postes, soit 2,7%. On rappellera aussi que, depuis 2008, les effectifs de la fonction publique, à périmètre constant, ont augmenté de 4’566 ETP, soit 30,2%. En quinze ans, la progression atteint presque un tiers, tandis que, entre 2008 et 2022 (dernier chiffre publié), la population vaudoise ne s’est accrue que de 20,7%.

Croissance des dépenses…

Les dépenses de l’Etat ne cessent d’augmenter, avec une progression en 2023 de 4,7% (2022: +2,8%, 2023: +3,7%). Si l’on se hasarde sur le terrain des comparaisons intercantonales, on doit remarquer, pour s’en inquiéter, que le ratio de fonctionnaires par habitant atteint 2,35% dans le Canton de Vaud, contre 1,77% à Zurich et 0,98% à Berne. La proportion entre dépenses publiques et PIB s’établit à 17,55% dans le Canton de Vaud contre 11,71% à Zurich et 13,31% à Berne. Or, on ne peut pas dire que les cantons alémaniques offrent moins de qualité de vie ou seraient en retard pour les infrastructures et les services qu’ils offrent (hôpital universitaire, transports publics, université etc.).

On le constate, le Canton de Vaud n’est assurément pas un exemple de modération lorsqu’il s’agit de coûts ou d’effectifs de la fonction publique. La croissance de la population induit certes des besoins supplémentaires, mais ceux-ci devraient – si la recherche d’efficience était une priorité – incorporer certaines économies d’échelle; l’outil informatique devrait lui aussi permettre d’éviter une croissance plus que proportionnelle. Cela semble hélas ne pas être le cas. Parmi les éléments qui favorisent cette dérive, la fiscalité joue incontestablement un rôle.

… et lourde fiscalité

En effet, le dynamisme économique de l’arc lémanique a longtemps permis de générer des recettes fiscales considérables. Après le redressement des finances cantonales mises à mal à la fin des années nonante, les excédents se sont succédé. Sur les dix dernières années (2012-2022) cet excédent était en moyenne de l’ordre de 600 millions de francs par année, soit un total de 6 milliards de francs. Or, aucune mesure fiscale n’a été prise pour améliorer le sort des contribuables. Le Canton de Vaud figure ainsi parmi ceux qui exploitent le plus le potentiel fiscal de leurs contribuables1. Pour les personnes physiques, les trois cantons qui présentent les indices les plus élevés sont les Cantons de Vaud (131), de Genève (131) et de Bâle-Ville (122). Ces valeurs signifient que l’exploitation du potentiel fiscal se situe 31, 31 et 22% au-dessus de la moyenne nationale dans ces trois cantons. La moyenne suisse est obtenue en calculant le ratio entre les recettes fiscales agrégées des Cantons (en moyenne sur trois ans) et le total de leurs revenus imposables (toujours en moyenne sur trois ans).

Le cumul des deux phénomènes – forte exploitation du potentiel fiscal et présence d’excédents considérables – ne peut qu’aiguiser les appétits et inciter à la dépense. Le Grand Conseil n’est d’ailleurs pas en reste lorsqu’il s’agit d’édicter de nouvelles prescriptions qui très (trop) souvent se traduisent par un besoin accru de fonctionnaires pour en assurer la mise en œuvre ou le contrôle. On observe actuellement une tendance croissante à donner une réponse légale ou réglementaire à tout événement défrayant la chronique; on en jugera par les multiples démarches parlementaires déposées semaine après semaine au parlement cantonal ou dans les législatifs communaux. La nécessité de flatter l’électeur ou de s’assurer de sa fidélité incite aussi à augmenter les prestations ou à octroyer des largesses supplémentaires, et prôner la modération n’est guère populaire. C’est avant tout un problème politique. Dès lors qu’on attend (ou qu’on exige) de l’Etat une intervention accrue – nous y reviendrons dans un prochain article – les dépenses et les impôts ne peuvent que s’inscrire à la hausse. Un peu de bon sens et de modération, alliés à la réelle prise en considération des rôles respectifs de l’Etat et de la société civile, pourrait permettre de sortir de cette impasse.

Notes:

1 Voir le document de base de l’Administration fiscale fédérale «indice 2024 de l’exploitation du potentiel fiscal» https://www.newsd.admin.ch/newsd/message/attachments/85978.pdf

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