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Le déterminisme woke

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2271 24 janvier 2025

Le wokisme est un ensemble hétéroclite de luttes égalitaires. Ces luttes ne sont pas toujours cohérentes les unes avec les autres. Toutefois, elles s’accordent sur deux points. Le premier est bien connu: elles partagent le même ennemi de référence, ce fameux mâle blanc occidental, raciste, sexiste et tout.

Le second point tient à leur structure même. Toutes reposent sur une philosophie déterministe. Aux yeux du woke, la liberté de jugement, de décision et d’action, tout ce qui donne le poids de la responsabilité à nos actions, n’existe pas. L’individu croit qu’il est libre, mais ses pensées, paroles et actes ne sont en réalité que l’aboutissement provisoire d’un enchaînement causal qui les précède et les emporte. L’individu n’est, nolens volens, que le vecteur obligé du système et de ses spécificités, en l’occurrence de ses tares.

Ainsi, le Blanc qui croit n’être pas raciste se trompe sur lui-même. Il peut bien argumenter tant qu’il veut, son discours est vide de sens aux yeux du woke. Celui-ci, même sans rien connaître de son vis-à-vis, sait que tout ce que le Blanc pense, dit ou fait procède du racisme. Et ses dénégations prouvent simplement que celui-ci est mal à l’aise avec son propre racisme. Il y a même un terme pour ce malaise, la «fragilité blanche».

Pour le woke moyen, toutefois, l’essentiel n’est pas tel individu qui tient des propos sexistes ou racistes, même s’il convient bien sûr de le poursuivre sans pitié ni repos sur les réseaux sociaux et devant les tribunaux. L’essentiel, c’est que si cet individu est raciste, c’est parce que le système l’est. Là est la source du mal. C’est donc en amont qu’il faut intervenir, s’en prendre aux causes plutôt qu’à leurs effets. Il faut dénoncer le racisme constitutif du système, le «racisme systémique». Et c’est le système raciste lui-même qu’il convient de «déconstruire». Il en va de même pour le sexisme, l’homophobie et la transphobie, eux aussi «systémiques».

Sur le fond, la théorie systémique place les wokes devant une alternative impossible. Ils doivent choisir entre deux formes de contradiction logique. Soit le racisme blanc et le sexisme mâle sont systémiques, et dans ce cas, les wokes blancs et mâles sont eux-mêmes racistes et sexistes. Et les deux blanches que sont Mmes Robin Diangelo, docteur en éducation multiculturelle, et Judith Butler, docteur honoris causa de l’Université de Fribourg, l’une et l’autre prophétesses universitaires et médiatiques du wokisme, sont sinon sexistes au moins racistes. Leurs discours wokes ne visent qu’à dissimuler leur racisme de blanches. Et la prétention de Mme Diangelo d’échapper au racisme sous prétexte qu’elle le voit n’est qu’une manifestation évidente de sa fragilité blanche.

Soit les wokes blancs ne sont pas racistes, ni sexistes, et ces dames non plus (je suppose), et alors le racisme et le sexisme ne sont pas systémiques. Et le mâle blanc retrouve sa liberté d’être ou de ne pas être raciste ou sexiste.

Au nom de quoi, d’ailleurs, les wokes blancs pourraient-ils étendre l’accusation de racisme à tous les Blancs tout en y échappant eux-mêmes? La réponse de Mme Robin Diangelo, énoncée avec un petit sourire supérieur, illustre l’ampleur du naufrage intellectuel et moral du wokisme: «Les gens sont souvent outrés parce que je généralise. Et c’est une idéologie sacrée, n’est-ce pas, vous ne pouvez pas généraliser… Eh bien si, en tant que sociologue, je peux.» Un diplôme de sociologue vous permet donc d’échapper à la condition humaine, au racisme du système et à la logique élémentaire! L’esbroufe intellectuelle est sans conteste la caractéristique première des wokes. C’est une prudence compréhensible qui leur fait refuser la controverse!

La contradiction des wokes est un cas particulier de la contradiction fondamentale qui frappe toute philosophie déterministe. Soit l’homme est déterminé, c’est-à-dire non libre, et dans ce cas, son discours, woke ou non, n’a aucune portée universelle. Ce n’est même pas de la langue de bois, juste un ensemble occasionnel de bruits de bouche déterminé mécaniquement par des causes antérieures et dépourvu de tout sens général. Soit l’homme est libre, responsable de ce qu’il pense et fait, notamment en matière de race et de sexe, et alors la théorie «systémique», pilier du wokisme, s’évanouit dans les airs.

Notes:

1   Voir la vidéo renversante consacrée aux événements qui se sont déroulés en 2017 à l’Université d’Evergreen: www.youtube.com/watch?v=u54cAvqLRpA, 5’20’’ à 8’22’’.

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