Imposition individuelle: on votera bientôt!

Les Chambres fédérales ont adopté à l’issue de la session d’été 2025 la loi fédérale instituant l’imposition individuelle des couples mariés. Après des débats nourris, une courte majorité tant au Conseil national qu’au Conseil des Etats a fait passer le projet. Se sont prononcés pour l’imposition individuelle: la gauche et le PLR; s’y sont opposés l’UDC et le Centre.

On se rappelle aussi que, durant la phase de consultation, les Cantons s’étaient clairement prononcés contre le projet, puisque 21 d’entre eux (sur 26) avaient affiché leur opposition et que la Conférence des directeurs cantonaux des finances avait rappelé cette opposition durant les travaux parlementaires.

Tous les éléments étaient dès lors réunis pour qu’une démarche référendaire soit lancée (voir La Nation n° 2282 du 27.06.2025). Elle a consisté en un référendum populaire et un référendum des Cantons, qui tous les deux ont connu le succès. Si le référendum populaire est une procédure bien connue et souvent utilisée, le référendum des Cantons est bien plus rare. Il n’a été utilisé qu’une seule fois depuis 1848; c’était en 2003 contre un paquet fiscal portant sur l'imposition du couple et de la famille (déjà!), l'imposition de la propriété du logement et les droits de timbre. En 2012, le lancement du référendum contre la loi sur l’aménagement du territoire, et en 2015, contre la réforme de la péréquation fédérale, n’avait pas réuni suffisamment de Cantons.

Le référendum des Cantons aboutit

Le référendum populaire a été déposé début octobre avec 66'764 paraphes, dont 65'377 ont été déclarées valables par la Chancellerie fédérale. Quant au référendum des Cantons, le vote du parlement argovien, intervenu fin septembre, a permis de réunir les huit cantons nécessaires à son aboutissement. En effet, les parlements des Cantons du Valais, de Saint-Gall, Thurgovie, Schwytz, Obwald et des deux Appenzell s’étaient déjà prononcés en faveur du référendum. Uri et Nidwald, ont ensuite rejoint le camp des opposants. A noter que plusieurs Cantons ont rejeté cette option de justesse, notamment Lucerne, Soleure, Schaffhouse et Glaris.

Des arguments de poids

On constatera, pour le regretter, que les Cantons romands n’ont pas adhéré à la démarche. Et pourtant, les arguments ne manquent pas, tout spécialement dans le Canton de Vaud. Car l’adoption de l’imposition individuelle aurait pour conséquence première de contraindre la très grande majorité des Cantons à bouleverser leur système fiscal, puisque le modèle fédéral s’imposerait aux Cantons pourtant souverains dans ce domaine. Et si la Confédération peine depuis plus de 40 ans à mettre en place un système équitable d’imposition entre couples mariés et non mariés, les Cantons, pour leur part ont introduit des systèmes de splitting qui réduisent fortement l’inégalité. De son côté, Vaud devrait renoncer à son système de quotient familial, pourtant le plus égalitaire de tous puisqu’il tient compte de la présence d’enfants dans la communauté familiale et adapte le taux de l’impôt en fonction.

Il s’agirait donc, en cas d’acceptation du système, d’ouvrir un gigantesque chantier pour réformer les systèmes cantonaux, démarche qui durera des années, avec son cortège d’incertitudes et de marchandages. Les risques de voir la pression fiscale augmenter sont loin d’être négligeables. En outre, le passage à l’imposition individuelle aurait un coût administratif important: chaque époux remplissant une déclaration, il faudra traiter un million sept cent mille déclarations supplémentaires dont les éléments devront être vérifiés et, cas échéant, confrontés à la déclaration de l’autre conjoint. On voit déjà l’inspecteur fiscal s’inviter dans l’intimité des familles.

L’aboutissement du référendum des Cantons est donc une bonne nouvelle, qui donne l’occasion de corriger le vote du parlement. Le peuple sera appelé à se prononcer courant 2026.