Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Trente-trois ans au service de la musique et du pays

Jean-Jacques Rapin
La Nation n° 1890 4 juin 2010
A plusieurs reprises déjà, nous avons attiré l’attention sur la fécondité de l’activité musicale de la Bibliothèque cantonale et universitaire de Lausanne. Au coeur de celle-ci, la présence de Jean-Louis Matthey.

Car trente-trois ans durant, elle a été animée par celui dont le profil est difficile à dresser, tant il est riche, divers et polyvalent. Au moment où Jean-Louis Matthey prend sa retraite, il est donc juste de rappeler les aspects marquants de cette personnalité et de son action dans les aspects les plus divers de la musique.

Jean-Louis Matthey a été un homme de service, au sens le plus élevé du terme, et cela, même dans un sens éthique. Cela explique d’emblée les dimensions exceptionnelles qu’il a su donner à une fonction qui aurait pu être banale et desséchante. en fait, il s’est trouvé devant ce qu’il n’a pas tardé à concevoir comme une mission à remplir – nous dirions un ministère –, conscient des responsabilités qui lui incombaient de gérer, de transmettre et, par là, justement, de servir.

Œuvrant sous trois directeurs successifs, MM. Jean-pierre Clavel, Hubert Villard et depuis peu Mme Jeannette Frei, il a su concilier les exigences d’une conservation du patrimoine musical avec les nécessités de l’ouverture au monde, et cela, avec un sens aigu du bien de l’institution.

Ceux qui l’ont approché ont été frappés par sa vision équilibrée des gens et des choses, sans doute parce qu’il ne se contentait pas «de parler de la musique», mais la «pratiquait» lui-même. Outre la flûte traversière et le tambour militaire de sa jeunesse, Jean- Louis Matthey n’a-t-il pas acquis une formation de timbalier très remarquable? Or assumer la partition des timbales dans une grande oeuvre de Brahms n’est pas à la portée du premier venu! Ce contact avec la base même de la musique, sa matière première, lui a sans doute permis de ne pas céder à certaines sirènes à la mode.

Sous son impulsion, la BCU a considérablement enrichi son domaine de fonds et de catalogues avec les noms de Jean Apothéloz, Gustave Doret, Eric Gaudibert, Bernard Reichel, Jean-François Bovard, et bien d’autres – cinquante-trois au total. De plus, grâce à l’aide de la Fondation Suisa et de la Fondation Marcel Regamey, la BCU a joué un rôle important en éditant des oeuvres d’Aloÿs Fornerod, Guy Bovet, Claude Dubuis, Henri Scolari, et d’autres compositeurs (trente- six au total, tous vaudois) qui ont trouvé là une aide opportune et bienvenue.

Mais il reste un domaine où Jean- Louis Matthey, avec le plein accord de ses supérieurs et de l’autorité politique cantonale (du conseiller d’Etat Pierre Cevey, en particulier), a joué un rôle capital, celui de la collaboration avec des institutions extérieures.

Le centenaire de la naissance d’Ernest Ansermet, en 1983, est le premier de ces événements, réalisé en collaboration avec l’Association Ansermet. Le Canton a alors soutenu la BCU dans son effort de rassembler un gisement documentaire de première valeur, destiné à la mise sur pied d’une exposition présentée dans vingt-huit villes du monde, ainsi que la rédaction d’un catalogue dû à Jean-Louis Matthey. Autres événements de cette nature, l’ouvrage de Jacques Viret, De la musique et des Vaudois, qui dresse un large inventaire des forces vives du Canton et forme ainsi un pont entre le passé et le présent; de plus, actuellement en chantier, un ouvrage confié à Antonin Scherrer, à propos des 150 ans du Conservatoire de Lausanne. Ici encore, la collaboration est féconde pour les deux parties, et la BCU, loin d’être une tour d’ivoire, joue donc un rôle public éminent, un rôle de pionnier, qui fait dire à Jean-Louis Matthey: «Tout était à faire et j’ai eu beaucoup de chance de travailler à cela. On m’a fait confiance, c’est un privilège dont je suis conscient.»

Ainsi, cette confiance instaurée, l’esprit de service, la vision de sa mission, son respect de la musique, son humilité aussi, forment l’image qu’il nous laisse en quittant sa fonction, celle d’un véritable humaniste, qui nous dit: «La musique est offerte à chacun, si l’on s’y dispose dans l’exigence de son mystère.»

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: