Identification
Veuillez vous identifier

Mot de passe oublié?
Rechercher


Recherche avancée

Le rôle de l’armée?

Nicolas de Araujo
La Nation n° 1890 4 juin 2010
A quoi sert l’armée? Sa mission principale semble être la sauvegarde du territoire. La Suisse est-elle menacée aujourd’hui? Si oui, quelles sont ces menaces, et pouvons-nous y faire face militairement? De telles questions reviennent sans cesse dans le débat sur la réforme de l’armée.

Pour certains, faute d’ennemis directs, l’armée suisse devrait abandonner son rôle de défense du territoire et se reconvertir dans d’autres tâches comme le maintien de la paix au niveau international ou certaines opérations de police, de renseignement, de secours. Ces idées gagnent du terrain alors que le Conseil fédéral sera bientôt appelé à définir la politique de sécurité qu’il veut mettre en place pour la Suisse. La difficulté réside dans les investissements énormes que requiert la modernisation de nos forces armées, et notamment de l’aviation qui est devenue désuète. L’achat de vingt-deux nouveaux appareils de combat devrait ainsi coûter entre 3,5 et 5 milliards de francs.

La perspective de ces factures douloureuses provoquera sans doute des résistances. Il importe donc de réaffirmer que le but primordial de la Confédération est la défense du territoire et qu’elle a pour cela besoin d’une force militaire suffisante.

Les opposants à l’armée de défense territoriale affirment que celle-ci serait inadaptée aux nouvelles menaces que sont le terrorisme, les attaques informatiques, la criminalité organisée, etc. Ce raisonnement ne tient pas. L’apparition de nouvelles menaces n’implique pas la disparition des anciennes, pas plus que la grippe porcine l’hiver passé n’a supplanté les maladies déjà existantes. Si de nouvelles menaces apparaissent, il faut s’en protéger, sans nécessairement baisser la garde devant les autres.

D’ailleurs, est-il vrai que la guerre, au sens classique d’un conflit armé entre Etats, n’est plus d’actualité depuis la fin de la Guerre froide? Non, bien sûr. La Corée du Nord vient de commettre une agression des plus classiques contre son voisin sud-coréen, dont elle a coulé un navire. Plus près de chez nous, la Géorgie a subi une invasion militaire de la Russie en 2008: chars, aviation, artillerie, infanterie, tout y était. Les exemples abondent, mais il suffit pour notre démonstration d’avoir rappelé qu’une telle guerre est possible aujourd’hui.

Cela étant, les autorités ont pour devoir de se préparer à toute éventualité. Or, la défense du territoire ne se prépare pas en une ou deux années. Imaginons que la Suisse, en paix avec le monde entier, renonce à entretenir une armée de défense. Soudain apparaissent des tensions, même lointaines, par exemple en Europe de l’Est ou en Méditerranée. Que faire? Le danger approchant, nous n’aurions que quelques années, peut-être moins, devant nous pour tout reconstituer à partir de rien! Infrastructures, matériel, organisation, entraînement des hommes, tout serait à faire! Impossible. Le bon sens invite donc à conserver une armée de défense même lorsqu’aucun conflit classique ne semble nous menacer.

Mais, dira-t-on, ne peut-on réduire cette armée de défense à son minimum vital, précisément ce minimum nécessaire à la reconstitution d’une force défensive en cas de nécessité?

C’est une erreur de considérer la menace comme un phénomène purement extérieur, indépendant du système de défense. Or il est évident que, si nous supprimons notre système de défense, nous nous mettrons ipso facto en situation d’être menacés! Ce serait l’équivalent d’un propriétaire qui, après avoir vécu des années en paix sans subir de cambriolage, ne voyant plus le danger, déciderait de ne plus fermer la porte de son appartement. Sot raisonnement, et pourtant! A force de démanteler notre armée «faute d’ennemis», le gouvernement finira par susciter de nombreuses vocations d’ennemis prêts à nous fondre dessus.

La menace augmente à mesure que la protection diminue, et inversement. Quand on dit qu’il n’y a plus de menace, c’est en réalité le signe que nos défenses actuelles suffisent à nous garantir des dangers existants, de sorte que nous nous sentons en sûreté.

Enfin, lorsque nous disons que le rôle de l’armée est la sauvegarde du territoire, il faut élargir cette définition. Sa mission est de garantir la souveraineté de la Confédération face à l’extérieur. C’est ce qui fait de la Suisse un Etat. Parce qu’il est capable de maîtriser et de défendre son territoire par la force, l’Etat fédéral est un interlocuteur crédible auprès de ses voisins. Ceux-ci tiennent compte de notre défense dans leurs relations avec nous. Tous nos traités internationaux, notamment économiques, reposent là-dessus. Ces traités ont pu être négociés avec l’étranger, et non imposés simplement par la force, parce que la Confédération se sait maîtresse de son destin. L’armée contribue largement à cette maîtrise qu’on appelle souveraineté.

Sans force pour affirmer notre indépendance, nous n’aurions pu négocier les accords bilatéraux avec l’Union européenne. Sans la maîtrise des airs et de la terre, nous ne pourrions garantir nos traités en matière de transport avec nos voisins. Sans notre souveraineté, ultimement garantie par les armes, est-il douteux que le secret bancaire aurait été supprimé depuis longtemps par la France ou l’Allemagne? Et aujourd’hui que toute l’Europe cherche de l’argent pour renflouer ses caisses, nous sommes heureux que personne ne puisse venir simplement se servir dans nos coffres. Tout cela, l’armée suisse le permet en ce moment.

Que personne ne dise que l’armée de défense territoriale ne sert à rien! Il n’y a pas d’habitant de la Confédération qui ne bénéficie de son existence.

Vous avez de la chance, cet article est en accès public. Mais La Nation a besoin d'abonnés, n'hésitez pas à remplir le formulaire ci-dessous.
*


 
  *        
*
*
*
*
*
*
* champs obligatoires
Au sommaire de cette même édition de La Nation: