Ecrits afghans de Langendorf
Avec ses Ecrits afghans, Langendorf nous transporte dans un pays de montagnes, de rocailles et de gorges au fil de trois récits. Il s’agit de la réédition de pages méconnues, publiées la première fois en 1973 et 1980, qui ont toutes trait à l’Afghanistan mais ne relèvent pas du même genre littéraire.
Le recueil d’une huitantaine de pages s’ouvre sur une nouvelle – ou un journal de voyage? On ne sait trop, en effet, si l’auteur, qui s’y met en scène, a vécu tous les épisodes d’une longue et épuisante marche, tantôt pittoresque, tantôt terrible, tantôt onirique, à la découverte du Minaret de Jam (c’est l’un des titres de la nouvelle), qui est aussi une vaine tentative d’oublier un amour blessé pour la douce Elisabella: But where is the sweet, sweet Elisabella gone? (c’est le second titre).
Les deux autres écrits traitent d’histoire militaire. L’expédition d’Oskar Niedermayer en Afghanistan décrit l’étonnante tentative allemande, accomplie en 1915-1917 sous les ordres d’un officier de 30 ans, de créer le trouble et de dresser les Afghans contre les Anglais pour inquiéter ceux-ci sur le front nord des Indes. Cette action de haut vol présentait quelque analogie avec la geste de Lawrence d’Arabie sur un autre théâtre d’opérations. L’expédition allemande, toutefois, dotée de moyens dérisoires, n’atteignit pas son but politique; Niedermayer poursuivra seul, quelque temps, une sorte d’errance hallucinée.
Une autre étude évoque un plan russe d’invasion de l’Afghanistan, élaboré en… 1898 par Vladimir Timotéevitch Lebedev, officier des grenadiers de la garde impériale, visant à décloisonner la Russie vers le sud et, comme toujours, faciliter l’accès aux mers chaudes. Il s’agissait d’un plan soigné, réaliste et détaillé, qui ne taisait pas les difficultés de l’entreprise: En général, écrit lebedev, la conduite de la guerre dans le cas d’un pays pauvre, encombré de rudes montagnes, avec des populations guerrières, toujours prêtes par leur caractère et leur genre de vie à défendre obstinément leur indépendance, n’est pas chose facile. Les Soviétiques il y a trente ans, les Américains aujourd’hui ont-ils assez lu Lebedev?
Voilà donc des histoires de stratèges visionnaires et d’aventuriers baroudeurs, où l’on voit d’impressionnants soldats européens devenir des seigneurs de la guerre et se faire nommer pachas. L’ouvrage se termine justement, sous le titre Langendorf pacha, par un portrait de l’auteur excellemment brossé par Laurent Schang. A la fois féru de l’histoire la plus documentée et porté vers un imaginaire baroque et truculent, à la fois libertaire et réactionnaire, Langendorf méritait bien de voir son effigie accrochée à son tour dans la galerie des fiers fantasques qu’il a puissamment contribué à constituer.
[Jean-Jacques Langendorf, Ecrits afghans, Editions Antipodos + Le Polémarque, Commercy( F), 2010.]
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- L’invasion des babas – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Le Premier Homme d’Albert Camus – La page littéraire, Laurence Benoit
- Prix Rambert: L’implacable brutalité du réveil – La page littéraire, Olivier Klunge
- La halle aux locos et la collection Planque – La page littéraire, Jean-François Cavin
- Liaison dangereuse – Pierre Rochat
- Education sexuelle fédérale – Georges Perrin
- Le remède PDC – Revue de presse, Ernest Jomini
- Cantons et primes d’assurance-maladie – Revue de presse, Ernest Jomini
- L’HarmoS des crèches – Revue de presse, Ernest Jomini
- «On peut vivre tranquillement et en paix quand on est une petite commune» – Nicolas de Araujo
- De la supériorité de l'aquarium sur le téléphone portable – Le Coin du Ronchon