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La Suisse favorise la délinquance

Jean-François Cavin
La Nation n° 1985 24 janvier 2014

Selon une vision irénique de notre société, propagée par les progressistes de tout poil qui nient l’existence du mal, l’inquiétude relative à la sécurité intérieure de la Suisse relèverait d’un alarmisme de mauvais aloi. Ce n’est pas l’insécurité qui augmente, disent-ils, mais le sentiment d’insécurité ressenti par la population (lisez donc qu’elle est sotte ou manipulée); les délinquants, d’ailleurs, sont en réalité les victimes d’un système qui n’a pas compris leur mal-être; des pénalistes condamnent la peine et non le crime; et des politiciens réforment le code pénal avec une belle mansuétude pour ne pas blesser les malfrats.

Face à ce dérèglement des esprits et à ce déni de la réalité, Mme Marie-Hélène Miauton, dans une publication d’octobre 2013 sur la criminalité en Suisse1, remet l’église au milieu du village – ou plutôt le commissariat, le prétoire et la prison au milieu d’une conscience publique égarée par la tendance dominante des faiseurs d’opinion. Cet ouvrage bien documenté, écrit d’une plume vive qui nous vaut quelques morceaux de bravoure, fait le tour de la question et nous offre largement matière à réflexion… et à action.

Premier point: contrairement à ce que certains répètent complaisamment, la délinquance pour infraction au code pénal est à la hausse, et cela particulièrement pour les actes de violence (homicides, lésions corporelles, brigandages), les menaces et les délits de contrainte. En statisticienne avisée, Mme Miauton n’avance pas des chiffres à la légère; elle compare, critique et recoupe des séries; la tendance est indubitable. Les étrangers y sont pour une large part: la moitié des délits, alors que les immigrés ne représentent que 23% de la population; on leur doit 58% des infractions avec violences graves ou homicide, 62% des brigandages. Les explications sociologiques (âge moyen plus bas de la population étrangère, précarité éventuelle de certains statuts) ne suffisent de loin pas à expliquer ce phénomène, qui tient visiblement au fait que les délinquants d’habitude choisissent la Suisse comme terrain de campagne. La perméabilité des frontières de l’espace Schengen y est peut-être aussi pour quelque chose, mais Mme Miauton laisse la question ouverte; à raison, nous semble-t-il, faute de données sur l’efficacité (douteuse à nos yeux) des contrôles aux frontières d’autrefois.

L’auteur passe en revue les institutions garantes de la sécurité. La police ne démérite pas, mais ses effectifs, qui n’ont pas augmenté autant que celui de la population, sont insuffisants; de surcroît, les autorités tendent à l’engager davantage dans la répression des infractions routières (plus rémunératrice!) que dans la chasse aux malfaiteurs. La justice, qui doit s’accommoder depuis peu d’une mauvaise loi, fait en outre preuve de mansuétude en prononçant des peines qui restent dans la moitié la moins sévère des possibilités légales. Les prisons, parfois étonnamment confortables, sont sur-occupées en Suisse romande, mais pas en Suisse alémanique; que serait-ce si l’on mettait vraiment sous les verrous tous ceux qui le méritent?

Car les récentes révisions du code pénal, privilégiant les fameux «jours-amende» (souvent impayés!) pour la petite et moyenne criminalité, et prohibant la prison préventive quand une peine d’enfermement n’est pas vraisemblable, fait de la Suisse un terrain de choix pour la cambriole: un pays riche où l’on n’est pas puni! À qui la faute pour ce dérapage législatif aujourd’hui largement reconnu, mais pas encore réparé? À des idéalistes de gauche refusant de voir le monde comme il est? Du côté de quelques professeurs, peut-être; mais Mme Miauton énumère les conseillers fédéraux, chefs du département de justice et police, qui ont patronné la très longue gestation de cette révision du code pénal: Rudolf Friederich (rad.), Elizabeth Kopp (rad.), Arnold Koller (PDC), Ruth Metzler (PDC) et… Christoph Blocher (UDC)!

Il est grand temps de se ressaisir. Quelques signes montrent que des édiles se réveillent, par exemple à Lausanne qui affichait le taux de délinquance le plus élevé de Suisse. Le livre de Mme Miauton, qui propose vingt-deux (joli chiffre!) mesures correctives, contribuera fortement à ce redressement, s’il est lu attentivement par l’élite du pays et par les responsables de la sécurité.

 

Notes:

1 Marie-Hélène Miauton, Criminalité en Suisse – La vérité en face, éd. Favre Sa, Lausanne, 2013, 212 pages.

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