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Le marbre et la poussière

Antoine Rochat
La Nation n° 1985 24 janvier 2014

Les cahiers d’archéologie romande (car) ont publié en 2013 une étude fort intéressante sur le patrimoine funéraire de la Suisse romande du XIVe au XVIIIe siècle1. L’ouvrage collectif est dirigé par Dave Lüthi, professeur assistant en architecture et patrimoine à l’université de Lausanne (faculté des lettres, section d’histoire de l’art).

Après la publication en 2006 d’une étude sur le patrimoine funéraire de la cathédrale de Lausanne, sous le titre Destins de pierre2, cette nouvelle publication vient compléter et enrichir la compréhension d’un aspect méconnu de notre histoire.

Le premier tome, intitulé «études», comprend d’abord une introduction et une présentation de la méthode de travail par le professeur Lüthi. Ensuite, l’époque médiévale est évoquée sous l’angle des pratiques funéraires de l’aristocratie vaudoise, puis des tombeaux monumentaux en Suisse romande. Parmi ceux-ci, il faut signaler le tombeau de François Ier de La Sarraz, mort en 1362, sis dans la chapelle Saint-Antoine, contiguë à l’église paroissiale de La Sarraz et proche du château.

Le patrimoine funéraire vaudois de l’époque bernoise est étudié sous différents angles: le cadre religieux (à noter un article remarquable de Karine Crousaz sur la rupture de la réforme), la topographie funéraire (les monuments sont situés alors dans les églises ou dans un proche alentour), la morphologie des monuments, et enfin la typologie des destinataires (patriciens et nobles pour l’essentiel). On apprend même que certains monuments résultent sans doute de falsifications (deux exemples sont cités à Lausanne, l’un à la cathédrale et l’autre à l’église Saint-François).

Les autres cantons romands sont aussi évoqués, à l’exception de Genève, dont le patrimoine funéraire avait déjà été étudié précédemment.

En conclusion du premier tome, le professeur Lüthi relève que le corpus étudié reste fragmentaire et que les monuments sont plutôt conventionnels. Cependant, plusieurs sites sont remarquables: outre La Sarraz et la cathédrale de Lausanne, déjà cités, on peut mentionner l’église Saint-Jean-Baptiste de Grandson, l’église paroissiale de Payerne, l’abbatiale de Romainmôtier ou le temple d’Yverdon. Par sa richesse, l’inventaire de ce patrimoine funéraire est exceptionnel. Il met en évidence les effets importants de la Réforme.

Le second tome de l’étude, intitulé «Catalogues», comprend une fiche descriptive et une photographie de chacune des pièces inventoriées, à savoir 170 monuments vaudois, 84 neuchâtelois, 104 fribourgeois, 83 valaisans et 19 jurassiens (à Porrentruy). Une bibliographie et deux index complètent l’ouvrage.

Le 3 février 1804, le Grand conseil vaudois adopte un décret «portant défense d’inhumer dans les églises». Dès lors, les cimetières sortent de l’enceinte des villes et des villages. Une page d’histoire se tourne.

Au premier abord, le patrimoine funéraire n’apparaît pas comme un sujet d’étude particulièrement attrayant. Il faut savoir gré au professeur Lüthi et à son équipe de l’avoir mis en évidence de manière vivante.

 

Notes:

1 Le marbre et la poussière. Le patrimoine funéraire de la Suisse romande – XIVe- XVIIIe siècles, sous la direction de Dave Lüthi, car 143, Lausanne, 2013, 2 volumes.

2 car 104; voir notre article dans La Nation n° 1804 du 16 février 2007.

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