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Le Pays de Vaud et l’Europe

Lionel Hort
La Nation n° 2002 3 octobre 2014

La Ligue vaudoise a toujours considéré avec circonspection l’étrange construction juridique qu’est l’Union européenne. L’idée d’une union de communautés politiques ne lui est a priori pas condamnable, si tant est qu’elle est réalisée dans le cadre de principes fédéralistes, et reste contrôlable via des mécanismes constitutionnels de démocratie directe. Ceci doit permettre de respecter au mieux la diversité des parties et de préserver leur autonomie.

Une telle situation avait présidé à la naissance de la Confédération helvétique, mais elle ne reflète certainement pas l’état de l’actuelle Union européenne. Si, à l’origine de celle-ci, des fédéralistes comme le neuchâtelois Denis de Rougemont et des personnalités aux tendances plus jacobines ou aux intérêts purement économiques se sont affrontés pour déterminer comment elle devait être bâtie, ce sont bien ces derniers qui l’ont emporté. Le résultat est une entité qui manque de légitimité et qui suscite un mécontentement grandissant des peuples de ses pays membres, même dans la prospère Allemagne.

Et à juste raison; parmi les aspects les plus critiquables de l’Union, on peut citer le caractère parfois abscons et intrusif de ses directives, qui font peu de cas du principe de subsidiarité (comprenez la délégation au niveau politique supérieur des seules compétences que les niveaux inférieurs ne peuvent ou veulent assumer). On a ainsi vu des organes de l’Union légiférer sur la taille des roues de brouettes ou sur le caramel mou.

La subsidiarité ne peut bien fonctionner qu’avec deux échelons de pouvoir. Une adhésion à une union européenne, même idéalement fédéraliste, serait la source de contradictions insolubles: la Suisse se verrait tôt ou tard obligée de céder à l’Union des compétences que peuple et cantons ne lui ont même pas déléguées (pensez à l’éducation, la culture, les infrastructures…). Ne parlons pas du coup mortel que cela porterait à la démocratie directe: les décisions européennes ne pourraient en aucun cas faire l’objet d’un référendum. Quant au droit d’initiative, il se limiterait aux seules compétences restées suisses.

L’Union européenne présente en outre une rare opacité institutionnelle. L’absence de contrôle démocratique direct et ses commissions non élues posent problème. Là aussi, le mépris que certains de ses représentants affichent pour des décisions populaires légitimes est exaspérant, alors qu’eux-mêmes se considèrent comme une élite éclairée, qui n’a que les droits de l’homme à la bouche.

A cela s’ajoute son caractère technocratique et marchand. La notion juridico- mercantile d’origine anglo-saxonne de gouvernance, issue de la gestion «managériale», a remplacé l’ancienne idée d’un gouvernement qui prenait des décisions en tant qu’autorité, ce qui fondait sa légitimité par sa prise naturelle de responsabilité. Dans le système européen actuel, cette responsabilité est diluée dans le vaste flou d’instances diverses, semi- ou supranationales, ce qui n’aide pas à susciter la confiance des peuples et à porter des projets d’avenir.

Pour qu’un gouvernement européen soit légitime, il lui faudrait encore une volonté propre. Or à la trinité «démocratie – droits de l’homme – marché» s’ajoute la désagréable tendance de l’Union à s’aligner systématiquement sur les positions américaines concernant les questions internationales, ce qui fait d’elle une entité vassale, sans réelle volonté propre ni conscience d’exister.

Si l’exemple donné par l’Union européenne est détestable, il ne faut pas pour autant rejeter l’idée même d’alliance intégrée; les cantons suisses tirent certains bénéfices de leur appartenance à la Confédération, quand celle-ci fonctionne correctement. De plus, l’avenir semble favoriser l’émergence, du point de vue économique et géopolitique, d’une nouvelle forme d’acteurs: les blocs continentaux, tels que l’Inde, la Chine, les USA, la Russie, etc. L’Union européenne a sa place dans ce nouveau giron.

Le drapeau bleu aux étoiles jaunes ne doit pas faire oublier la vraie Europe, c’est-à-dire l’Europe en tant qu’héritage culturel. Occultée dans les esprits par l’actuelle Union, elle possède pourtant une réalité et une dignité de la plus haute nature. Car l’Europe est incontestablement une grande civilisation, synthèse millénaire d’apports philosophiques, culturels et religieux venus d’Athènes, de Jérusalem et de Rome, réactualisés à travers le Christianisme et les peuples, notamment germains, qui la firent vivre à travers les siècles. Cette Europe n’a pas que la fragilité d’une idée; elle s’est exprimée en actes plusieurs fois dans l’histoire, notamment sous la forme politique de l’Empire carolingien, puis du Saint Empire Romain Germanique.

En ces termes-là, la Suisse est le plus européen des pays d’Europe. Sans être inféodée à Bruxelles, la Suisse est européenne par sa diversité, notamment linguistique, et son histoire. Et à l’intérieur de la Suisse, le Canton de Vaud n’est pas en reste. Les symboles choisis pour leur blason par les fondateurs du Mouvement de la Renaissance vaudoise en disent plus sur notre appartenance à l’Europe que toutes les adhésions à des unions marchandes.

N’a-t-on pas surnommé Pierre II de Savoie «le Petit Charlemagne»?

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