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La représentativité douteuse du Conseil suisse des activités de jeunesse

Félicien Monnier
La Nation n° 2006 28 novembre 2014

La Session des jeunes s’est récemment tenue à Berne. Ses revendications ont fait montre d’une orientation politique très marquée à gauche. Cela nous a incité à nous intéresser à son cadre d’organisation.

Il est toujours dérangeant de voir la presse ou le monde politique attribuer à ces groupes sociologiques non communautaires des intérêts propres et objectifs. Depuis plusieurs décennies, les jeunes, les homosexuels, les femmes, les personnes âgées, les immigrés ou encore les pères ont été constitués en groupes d’intérêts homogènes. Des intérêts, ils en ont sans doute. Mais l’abstraction qui leur donne une réalité communautaire a tendance à privilégier les revendications idéologiques sur les revendications réelles.

Nous avons toujours considéré qu’un groupe à la forte homogénéité communautaire avait plus de légitimité qu’un groupe hétérogène. Un groupe précis, identifié et structuré aura des intérêts objectifs et réels à défendre. Ainsi en va-t-il des travailleurs ou des employeurs d’une branche, des officiers de l’armée, des communes, des scouts, des footballeurs… Aux autorités de faire honnêtement la synthèse, aux groupes d’accepter de ne pas gagner sur tous les points.

Parfois, des structures de représentation sont directement mises sur pied par les autorités, ou avec leur bénédiction. C’est le cas de la Session des jeunes, organisée sous l’égide du Conseil suisse des activités de jeunesse (CSAJ).

Le CSAJ bénéficie du soutien de l’Office fédéral des assurances sociales, responsable de la politique de la jeunesse, ainsi que de plusieurs départements et offices fédéraux. En 2010, la Confédération finançait le CSAJ à hauteur d’environ 700 000 francs par année1.

Le CSAJ représente les jeunes Suisses auprès des autorités fédérales. La Session des jeunes est l’un de ses moyens pour leur donner la parole. Le choix du moyen est curieux: pourquoi mimer une assemblée politique puisque, sur le papier, le CSAJ est politiquement neutre? Dans les faits, le Cartel a les orientations de ses membres, en particulier celles des plus habiles à faire passer leur message. Le risque de partialité est dès lors élevé. En 2010 le Conseil fédéral le reconnaissait à demi-mot, déplorant l’absence de jeunesses des partis de droite dans les membres du CSAJ.

Le site internet du CSAJ2 dresse la liste des associations membres. On y identifie avant tout des organisations issues du milieu dit «associatif»: ONG environnementalistes (WWF, Pro Natura), associations de lutte pour les droits de l’homme (Amnesty international), organisations d’engagement civique (Service civil international), mouvements syndicaux (UNIA, Union syndicale suisse) ou encore LGBT Youth Suisse, association de défenses des droit des homosexuels. Certaines associations sont moins orientées vers le combat politique, à l’image du Mouvement scout de suisse, de l’organisation des Suisses de l’étranger, des jeunes samaritains ou de la société suisse des Landjugend, équivalent alémanique des jeunesses campagnardes.

Une distinction peut être effectuée entre les vraies associations de jeunesse, proposant à leurs membres des activités, voire une formation, et les mouvements de revendications idéologiques. Par la nature même de leur activité, ceux-ci sont attentifs à faire passer avant tout un message politique. Les prises de positions du CSAJ et de la Session des jeunes reflètent la tendance idéologique de ces milieux, mélange d’égalitarisme et d’internationalisme: NON à l’initiative du 9 février, OUI à l’abolition de l’obligation de servir, OUI au financement de l’avortement, OUI aux six semaines de vacances.

Les prises de position de la dernière session des jeunes, à laquelle la presse a fait écho3, appuient cette dynamique. Ainsi ont été proposées l’instauration de sanctions en cas d’inégalités salariales hommes-femmes, l’extension de l’article 261bis du Code pénal à toute forme de discrimination, ou encore l’intégration de l’anti-racisme dans les programmes scolaires.

Ces remarques mettent la représentativité, donc la légitimité, de la session des jeunes et du CSAJ en cause.

Représenter les associations de jeunesse peut avoir un intérêt. Mais cette représentation doit exclure tout discours idéologique. Amnesty international, Service civil international, ou encore le WWF n’ont pas à utiliser un organe officiel de représentation de la jeunesse pour y distiller leur idéologie. Nous dirions la même chose de quelque mouvement «de droite». Contrairement à ce que dit le Conseil fédéral, la présence de jeunesses de partis n’est pas plus souhaitable que celle d’une ONG droit-de-l’hommiste.

Une solution simple pour atténuer l’influence des militants associatifs serait de supprimer la compétence fédérale en matière de soutien aux activités extra-scolaires (art. 67 al. 2 Cst. féd.). Une compétence cantonale complète en la matière instaurerait une plus grande immédiateté des rapports entre associations et autorités. Cela rendrait la représentation moins abstraite, lui donnant un tour plus réaliste, et partant, moins idéologique.

Notes:

1 Réponse du Conseil fédéral à l’interpellation d’Yvan Perrin (NE, UDC), n°10.3697 du 27 septembre 2010.

2 www.sajv.ch.

3 24 heures du 16.11.2014, «Les jeunes déclarent la guerre à la discrimination», ATS.

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