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Mendier, un droit de l'homme?

Jean-François Cavin
La Nation n° 2167 29 janvier 2021

La Cour européenne des droits de l'homme, jugeant en formation réduite, a interdit d'interdire radicalement la mendicité. Elle a statué dans une affaire genevoise, où une mendiante d'habitude, qui n'avait pas payé plusieurs amendes, a été emprisonnée cinq jours à titre compensatoire. Les avis divergent sur la portée exacte de cet arrêt, qui contredit celui rendu précédemment par le Tribunal fédéral suisse. Il semble bien qu'on doive en retenir qu'une interdiction générale serait contraire aux droits de l'homme et qu'il faudrait tenir compte, pour pouvoir sanctionner la mendicité, de la situation du mendiant, de sa vulnérabilité, de son attitude plus ou moins agressive, de l'appartenance ou non à un réseau, etc.

Un mendiant peut être paisible quand il y a un képi à l'horizon et agressif le reste du temps; on ne connaît pas sa situation personnelle et ses relations sans faire de longues enquêtes, souvent à l'étranger. S'agissant d'une infraction bénigne sanctionnée par une peine légère, les juges de Strasbourg ignorent le principe de la proportionnalité – dont ils se réclament souvent – en exigeant la constitution d'épais dossiers.

Ils risquent d'ailleurs de tomber dans l'arbitraire s'ils n'appliquent pas les mêmes cautèles à d'autres infractions. Le conducteur mis à l'amende pour avoir circulé à 35 km/h dans une zone à 30 peut-il faire valoir qu'il était parfaitement prudent, qu'il n'y avait personne sur cette route, qu'il conduit sans accident depuis quarante ans et qu'il avait un juste motif, rejoignant un enfant malade, d'être pressé ce jour-là?

Dans un pays qui assure le minimum vital à tous ses résidents réguliers et dont les services sociaux ou les institutions charitables offrent à chacun au moins de la soupe et un lit, l'autorité est fondée à disposer qu'on ne vient pas mendier dans ses rues. La Confédération doit porter l'affaire devant la Grande Chambre de Strasbourg et, si elle n'obtient pas le droit de protéger la souveraineté législative de ses Cantons, envisager son retrait d'une Convention des droits de l'homme dont l'application heurte le bon sens.

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