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Les vertus du nationalisme

Olivier Klunge
La Nation n° 2167 29 janvier 2021

Pour le fédéraliste vaudois, il est insolite d’évoquer le nationalisme sans référence ni à la France, ni au nationalisme intégral de Maurras. Yoram Hazony, bibliste israélien passé par Princeton, n’a pas ces références, mais son livre sur Les Vertus du nationalisme1, qui a fait grand bruit dans le monde anglo-saxon avant d’être traduit dans cinq langues dont le français en fin d’année dernière, n’en est que plus intéressant.

La thèse de l’ouvrage est que «le gouvernement optimal du monde advient lorsque les nations sont capables de concevoir leur propre trajectoire indépendante, de cultiver leurs propres traditions et de défendre leurs propres intérêts sans souffrir la moindre ingérence». Ce nationalisme s’oppose à l’impérialisme qui «vise à apporter la paix et la prospérité dans le monde en unifiant autant que faire se peut l’humanité sous un seul régime politique».

Une vision historique

Y. Hazony esquisse un schéma historique de la confrontation entre ces deux politiques. Il fait partir l’idée du nationalisme, face aux empires antiques et aux cités-Etats, de l’agrégation par Moïse des tribus d’Israël pour constituer un Etat national, fondé sur une langue, une histoire et une religion commune (et non sur un critère racial), qui n’a pas pour but de s’étendre aux confins de la Terre, mais de se gouverner seul.

Cette vision biblique a été ensuite occultée par le christianisme, dont l’empire romain a épousé la religion, qui a repris l’impérialisme de ce dernier dans le Saint-Empire et le centralisme papal. La réforme protestante, en Pologne, en Suisse, en Angleterre, en Hollande, en Ecosse, embrasse rapidement les traditions singulières des peuples dans la tradition de l’Israël vétérotestamentaire et, au XVIIe siècle, la paix de Westphalie impose un ordre politique fondé sur l’Etat-nation.

Cet ordre westphalien est pourtant contesté par des penseurs libéraux et universalistes (John Locke, Jean-Jacques Rousseau, Emmanuel Kant, Jürgen Habermas) et, alors qu’en août 1941 la Charte de l’Atlantique réaffirmait encore le principe de liberté nationale, dès la sortie de la guerre, l’Occident adopte une construction libérale qui ne reconnaît comme principe fondateur en matière de légitimité politique que la liberté individuelle.

Les empires contemporains

Pour Y. Hazony, l’Union européenne, qui veut créer un espace de paix2 et de prospérité toujours plus étendu, comme les Etats-Unis et leur nouvel ordre mondial libéral, sont deux expressions d’une vision impérialiste qui écrase l’indépendance des nations. En particulier depuis les chutes du Mur de Berlin et de Margret Thatcher, cette vision impérialiste de la communauté internationale triomphe et «les démocraties occidentales se transforment en un grand campus universitaire» où le conformisme libéral règne et où les campagnes de diabolisations (l’auteur les assimilant respectivement au dogme d’infaillibilité et à l’inquisition de l’empire médiéval catholique) tendent à imposer une norme universelle, enterrant la tolérance que l’ordre des Etats nationaux avait imposée par la diversité des régimes et des cultures de chaque pays.

Le dédain (la haine, pour l’auteur) avec lequel les élites politiques et culturelles traitent les «populismes nationalistes» trouve sa source dans l’idée «impériale» inspirée par Kant que la fondation d’un Etat international est la seule option dictée par la Raison pour réaliser la Paix Perpétuelle. Ceux qui refusent d’inféoder leur liberté nationale à cette marche historique de l’humanité font preuve d’un égoïsme violent.

Face à cette tendance despotique de l’universalisme, Y. Hazony invite le nationaliste à se méfier «des institutions internationales coercitives et des théories des Droits universels perçus comme des leviers de changement, qui écartent les hommes d’Etat des besoins et des aspirations des personnes qu’ils gouvernent réellement et les plongent dans des guêpiers étrangers qu’ils connaissent bien moins qu’ils ne le pensent, [plutôt que] de préserver et de renforcer le bien-être de [leur] propre nation, sa cohésion interne et son héritage culturel propre».

Notes:

1    The Virtue of Nationalism, 2018; traduit aux éditions Jean-Cyrille Godefroy, 2020, 255 p.

2    Selon l’auteur, la paix en Europe depuis 1945 n’est pas le fait de la construction européenne, mais de «la présence militaire américaine [qui] aurait de toute façon garanti la paix en Europe. C’est la nature des empires. Ils offrent la paix en échange de l’abandon de l’indépendance de la nation».

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