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Planification hospitalière vaudoise: la descente aux enfers

Jean-François Luthi
La Nation n° 2180 30 juillet 2021

Le Conseil d’Etat vaudois a mis en consultation de fin mai au 7 juillet son rapport de 30 pages concernant la planification hospitalière des soins somatiques aigus (la psychiatrie et la réadaptation hospitalière seront traitées ultérieurement).

Il s’agit du prélude (conditions-cadres) à l’élaboration de la nouvelle liste LAMal hospitalière vaudoise, comprenez la liste des établissements qui se verront attribuer des mandats de prestations leur donnant droit au financement de l’Etat (55%) et de l’assurance-maladie (45%) des gens hospitalisés. Il ne s’agira toutefois pas d’un réel mandat de prestation selon le Code des obligations, mais d’une obligation de prise en charge donnant droit à rémunération… Le Conseil d’Etat lancera après ce délai un appel d’offre, avant de sélectionner les établissements hospitaliers qui conviendront le mieux à ses critères, avec mise en vigueur début 2022.

Le ton est donné, extrêmement directif, se basant sur des critères fédéraux en la matière, mais le Conseil d’Etat se reconnaît la compétence de fixer des conditions spécifiques bien plus strictes en matière de processus de planification.

Les critères sont ainsi très détaillés, incluant, dans un esprit de concurrence appuyé, des hôpitaux même hors Canton, des éléments financiers, de sécurité, de conditions de travail, de rémunération (qui se veulent bonnes pour les collaborateurs devant appliquer les conditions des CCT ou mieux, et limitées strictement pour le personnel médical), des données administratives, d’investissements (très étroitement surveillés), d’informatique, etc.

Une annexe définit les groupements de prestation pour la planification hospitalière (GPPH), modèle développé par le canton de Zurich qui consiste selon le domaine de prestation médicale à désigner quel établissement pourrait traiter telle ou telle pathologie. Par exemple, sous la rubrique ophtalmologie, concernant la chirurgie de la cataracte, on peut lire que seul un hôpital par canton (lire le service universitaire) serait habilité à la pratiquer. Idem en neurochirurgie pour la chirurgie spinale (colonne vertébrale), uniquement le CHUV… Cette planification qui confine à l’aberration fait fi de la pratique qui veut qu’un très grand nombre de spécialistes de longue expérience travaillent hors du CHUV et même des autres hôpitaux publics. Une telle diminution de l’offre se traduirait par une diminution de la qualité des soins, et mathématiquement par une limitation des gestes effectués, par un engorgement total de l’hôpital universitaire déjà débordé, des listes d’attente inadmissibles, la mise au chômage d’une partie des 75’000 personnes travaillant dans le secteur de la santé vaudois.

L’impression générale qui s’en dégage est véritablement inquiétante. Elle se caractérise par une mise en concurrence des établissements pour faire partie de la fameuse liste, ce qui ne fait que masquer la volonté farouche de l’Etat de ne retenir que les hôpitaux qui remplissent exclusivement ses critères. Or ceux-ci visent essentiellement à asseoir le pouvoir absolu de l’Etat dans tous les détails de l’hospitalier, définis par des personnes pour l’essentiel sans la moindre expérience pratique en matière de soins, n’ayant pas retenu les leçons de la pandémie, et qui fondamentalement ne comprennent pas les enjeux humains pourtant déterminants dans ce domaine. On notera ainsi que parmi les partenaires consultés pour ce rapport ne figure pas le représentant des médecins vaudois, la SVM!

La méfiance des politiques envers les médecins semble un euphémisme. Dans le cadre de la liberté thérapeutique, ceux-ci sont responsables d’une part importante des dépenses de santé. Cela stimule la volonté du monde politique de diriger d’une main de fer ces acteurs au travers du fantasme de la maîtrise des coûts.

A cet égard, le report récent par le Conseil fédéral de l’approbation du projet Tardoc (nouvelle tarification médicale ambulatoire élaborée par la FMH et une partie des assureurs), la volonté d’établir de nombreux systèmes de forfaits par pathologie en attendant peut-être d’éventuels budgets globaux, laissent augurer d’un avenir plutôt sombre dans ce domaine. En effet, personne n’a osé proposer de démanteler frontalement une partie du système de soins, tellement la démarche serait impopulaire et politiquement insupportable. C’est par la bande que vient la menace, voilée. Il faudra lutter pour éviter une dégradation d’un système reconnu, de très bonne qualité et de haut niveau. Le monde politique montre un visage inquiétant qui fait miroir à sa grande difficulté à accepter l’évidence: un tel système coûte certes cher, mais c’est le prix à payer pour un des éléments les plus déterminants de la vie humaine: la santé, avec ses évolutions thérapeutiques, le vieillissement de la population. Il convient de l’assumer, tout en assurant bien sûr son devoir de surveillance et de suivi de l’évolution, dans le cadre d’une vraie concertation avec les acteurs principaux. Et une autre évidence s’impose: jamais, dans tout le monde occidental, un système étatisé n’a montré la moindre capacité à économiser, sauf à réduire l’accessibilité aux soins. Nous voulons croire que là n’est pas le but de l’Etat de Vaud, ni celui de la Confédération.

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